Chapitre 11

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Assise sur le divan, je scrute le paysage derrière la baie vitrée, l'esprit distrait. La psychologue enchaîne avec ses questions, comme si on n'avait pas déjà fait le tour du sujet. Nous en sommes à mon coma, comme si Kiara ne m'avait pas interrogée hier.

— Est-ce que c'était douloureux ?

Kiara ne connaît qu'une partie de la vérité, mais elle n'est pas là pour ça.

— Psychologiquement ? C'était bien pire que physiquement. Je soupire, lassée de revivre une énième fois ce qui m'a changée à jamais. J'ai frôlé la mort. J'énonce cette phrase comme un mantra, le souvenir de ces jours sombres restant gravé à jamais. Ce que j'ai vécu ne s'oubliera jamais, même si vous me le demandez.

— Parle-moi de ton quotidien dans ce lit d'hôpital.

— Je souffrais, j'avais mal partout. J'avais l'impression d'avoir une corde dans la bouche, je voulais parler mais je ne pouvais pas. On m'a dit qu'on m'alimentait difficilement et que j'avais perdu cinq kilos en huit jours. Je faisais des cauchemars à répétition, mes pensées étaient chaotiques. Parfois, je pensais que je ne reverrais jamais ma famille, que je ne m'en sortirais pas. À d'autres moments, je me demandais quand je rentrerais et dans quel état... Mais jamais je n'ai su jusqu'à mon réveil.

Mon regard sur la vie a changé. Je ne vois plus les choses de la même manière, les futilités ne m'importent plus.

— Ces longs rêves interminables où l'on vit et ressent tout, continuai-je sans lui laisser le temps de poser une autre question. Je ne veux pas détailler encore une fois ce rêve où je voyais mon père. Ces délires qui m'ont déconnectée de la réalité.

— Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que vous sortiez du coma ?

— Un choc. Qui l'aurait cru ? Je n'arrivais pas à y croire.

— C'est normal d'être désorientée après un tel événement, de sentir que votre vie a été mise sur pause, comme si...

— Comme si ce n'était pas mon monde, le coupais-je, lisant dans ses notes ce que je venais de dire.

— Oui, exactement.

J'ai réclamé mon père à mon réveil, pas ma mère, pas mon frère, pas JJ. Mon père, car c'est lui qui m'a accompagné durant ces interminables journées. Je voulais rentrer chez moi, le retrouver sur le porche, le voir me sourire alors que je dirais non à la faucheuse.

— Peut-on arrêter de poser les mêmes questions ? Ça me fatigue de toujours répondre la même chose.

Elle gribouille sur son carnet, l'air concentré. Je suis agacée d'être ici alors que je devrais être avec eux. Nous avions prévu de nous retrouver chez Pope il y a déjà une heure, et je suis coincée ici pour encore cinq longues minutes.

— Bien. Que ressentez-vous en retrouvant vos amis ?

Je la fixe, perplexe. Comment sait-elle cela ? Son stylo tourne autour de son doigt.

— Shoupe a fait une annonce à la télé avant notre rendez-vous. Ajoute-t-elle pour justifier son commentaire.

— Soulagée. Dis-je simplement.

— Les as-tu vus depuis leur retour ?

Je plisse les yeux, me demandant ce qu'elle sait et ce qu'elle a le droit de dire à ma mère.

— Oui, ils sont en pleine forme.

— Comment te sens-tu psychologiquement ?

— Apaisée.

Outer Banks tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant