Chapitre 2

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Un pas après l'autre, je m'approche du château. L'endroit semble figé dans le temps, et chaque mètre parcouru pèse de souvenirs. Cela fait si longtemps que je n'étais pas revenue ici. Derrière moi, j'entends une seconde portière claquer, suivie de pas saccadés.

— J'aimerais être seule, Topper, s'il te plaît.

Le bruit de ses pas s'interrompt aussitôt. Sans me retourner, je monte les deux ou trois marches du perron. Ce sont ces mêmes marches où, avec JJ, nous nous étions avoué que nos chemins, pourtant tortueux, menaient inévitablement l'un vers l'autre.

La poignée de la moustiquaire est toujours aussi abîmée. Je la pousse. La porte d'entrée, elle, est déjà entrouverte. L'intérieur est désert. Je m'accroupis et ramasse un bout de papier froissé qui traîne au sol. Le journal local... La Croix. Une image de leur expédition s'y trouve. Ont-ils trouvé ce qu'ils cherchaient ? Se sont-ils enfuis loin d'ici, croyant que j'étais morte ?

Mon cœur s'emballe, cognant dans ma poitrine à un rythme effréné. Pourquoi chercherais-je des indices ? Ils ont tourné la page. Pour eux, je ne suis plus là. Ils ne pensent plus à moi.

Je me redresse, les jambes flageolantes, et me dirige vers les chambres. Toutes les portes sont entrouvertes, offrant un silence pesant. L'absence de tout bruit – pas de rires, pas de discussions – me fige. Chaque pièce me renvoie leur vide. L'espace est immobile, comme si le temps lui-même avait cessé de s'écouler.

Mes jambes me portent mécaniquement jusqu'à sa chambre. Là où JJ et moi avions partagé plus que des secrets. Je m'effondre devant son lit, incapable de retenir les larmes. Mon souffle devient irrégulier, chaque inspiration est un supplice. Les murs semblent bouger, se dissoudre comme l'eau.

Je n'arrive plus à bouger. Mon corps refuse d'obéir. Les souvenirs, les regrets, tout remonte d'un coup, m'étouffant lentement. Comment avancer sans eux ? Comment vivre sans ces moments partagés ?

Soudain, une pression sur mes bras m'oblige à ouvrir les yeux. À travers mes larmes floues, je distingue une silhouette blonde. Est-ce lui ?

— JJ ? Dis-je faiblement, espérant l'impossible.

— Non, Kida... C'est moi, Topper.

Mon cœur se serre davantage. Mes oreilles bourdonnent, étouffant les sons autour de moi.

— Tu mettais du temps à revenir.

Un sanglot m'échappe.

— Je les ai abandonnés, Topper... Ils avaient sûrement besoin de moi... Ça fait six semaines...

Ma voix est brisée, mes mots hachés, presque inaudibles à cause de ma respiration désordonnée.

— Je sais que c'était tes amis, Kida, mais ils ne sont plus là. Il est temps d'avancer. Tu ne peux pas rester coincée dans le passé, pas après tout ce temps.

Son discours, bien qu'intentionné, n'a fait que raviver ma colère.

— Et toi, Topper, est-ce que tu as tourné la page avec Sarah ?

Je sens ses bras se tendre sous ma question.

— Tu me demandes d'avancer, mais toi aussi, tu restes coincé dans tes propres souvenirs.

Il se détache de moi, se relevant brusquement.

— Ce sont toujours mes amis jusqu'à preuve du contraire. Je n'avancerai que lorsque je saurais qu'ils sont en sécurité.

Je sais qu'il pense que je suis obsédée par Ward, mais je suis persuadée qu'il est encore vivant. Ma psy pense que c'est un effet secondaire de la noyade, mais j'ai entendu sa voix ! Et cette idée que personne ne me croit, me ronge de l'intérieur.

Je me redresse d'un bond, courant à travers la maison pour rejoindre mon frère dehors. Je ferme la porte derrière moi et crie son nom.

— Topper ! Excuse-moi. Je sais que c'est difficile de lâcher prise... je le comprends.

Je m'arrête net lorsqu'il tient une lettre entre ses mains.

— C'est quoi ça ?

— C'était coincé sur le pare-brise. À ton nom.

Je lui arrache la lettre.

— Si c'est pour moi, pourquoi tu l'as ouverte ?

— Je voulais juste vérifier... vu ce que tu traversais là-bas. Dit-il en désignant la maison.

Je jette un coup d'œil rapide à la lettre, l'ouvrant nerveusement. Ses mots me frappent de plein fouet.

« Mademoiselle Thornton,
Votre amie, Mlle Carrera, se trouve dans mon domaine. Je souhaiterais vous inviter. Il se trouve à la Barbade.

Pour ce faire, mon pilote vous attendra au tarmac à vingt heures. Ne soyez pas en retard.

Carlos Singh. »

Je relis la lettre une seconde fois, incapable de comprendre ce que je viens de lire. Kiara... à la Barbade ? Une vague de questions m'envahit, tourbillonnant dans ma tête comme une tempête. Pourquoi est-elle là-bas ? Que fait-elle à des milliers de kilomètres d'ici, dans les Caraïbes ? Où sont les autres ? Pourquoi n'ont-ils pas tenté de me retrouver, de me contacter ? Ah oui, je suis morte...

Mes mains tremblent en tenant le papier. Ce Carlos Singh... Qui est-il ? Comment sait-il que je suis vivante ? Et surtout, comment a-t-il su me trouver ici, maintenant ? L'idée qu'il détient Kiara me glace le sang. Est-ce un ami ou un ennemi ? Pourquoi elle, seule, chez lui ? Et si c'était un piège ? Ward pourrait-il être derrière tout ça ?

Mon esprit se brouille, jonglant entre l'espoir et la méfiance. Chaque fibre de mon corps me dit de me méfier, de rester sur mes gardes. Ward a déjà failli me tuer une fois, je ne peux pas exclure la possibilité qu'il tire encore les ficelles dans l'ombre. Mais si c'était vrai ? Si Kiara avait vraiment besoin de moi, si elle était en danger ?

Je sens mon cœur se serrer à cette idée. Je n'ai pas le luxe d'attendre ou de réfléchir plus longtemps. La seule façon de découvrir la vérité est de me rendre à ce rendez-vous. Je dois savoir ce qu'il se passe. Si mes amis sont en vie, si Kiara est vraiment là-bas, je ne peux pas laisser cette opportunité m'échapper.

Je pousse un soupir profond. La décision est prise, même si la peur m'envahit. Ce soir, je monterai dans cet avion. Qu'importe les risques.

Outer Banks tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant