Dahmer : Insoluble - Part 1

Prologue - Et Lux In Tenebris Lucet

XXXXX

Je me souviendrai de Jeffrey comme d'un jeune homme passionné et séduisant, farouche, secret, brûlant, rongé par une souffrance inconnue qui le pénétrait jusqu'à l'os. Je me souviendrai de lui comme du jeune homme le plus torturé et le plus intelligent que j'aie jamais rencontré. Trop pour son propre bien, sans doute.

Il me plaisait trop. Il m'intriguait trop. Son visage, sa voix, ce subtil mélange de légèreté, de moquerie et de sérieux dans ses propos... Je devinais instantanément en lui une gravité qui pesait sur le moindre de ses traits, le moindre de ses mots. J'aimais ce caractère mystérieux qu'il se plaisait à arborer en permanence. Mais il ne m'avait pas fallu longtemps pour comprendre qu'il se cachait une noirceur derrière. Un esprit lourd et poisseux, qui pesait sur lui comme une seconde peau, qui entachait son ombre. Un présent guère plus glorieux, et à l'origine de tout cela, des terreurs, des monstres, des fantômes, des souffrances inimaginables. Il avait une profondeur que ne possédaient pas d'ordinaire les autres. Une profondeur qui m'obsédait, qui m'attirait.

Comme la noirceur peut attirer, parfois...

Oui, Jeffrey semblait sombre, déchiré, et secret. Mais surtout, je me souviendrai de lui comme l'amour le plus intense et le plus absolu que je n'avais jamais ressenti. Je l'avais su dès le premier jour, et puis tout les autres qui avaient suivis n'avaient fait que me mener vers l'apogée de ce sentiment. Me poussant à l'aimer toujours plus à chaque seconde de mon existence.

Je l'avais laissé m'aspirer dans un gouffre sans fond, marquant chaque seconde pour me faire tomber toujours un peu plus profondément, me faire tomber amoureuse de lui, de sa voix, de son esprit, tomber amoureuse de sa façon si particulière d'être, de se mouvoir. Sa façon bien à lui de me regarder, et qui me faisait le préférer à tous les autres.

Peu de gens pouvaient se vanter d'avoir connu un tel sentiment, encore moins de l'inspirer. Jeffrey était tout cela : inspirant, envoûtant, fascinant. Le culte du secret exercé à son paroxysme. Il était de ces êtres qui nous agacent et nous fascinent, parce qu'on les sait différents, exceptionnels... incroyables. Faire partie de leur monde n'était qu'un privilège unique.

A chaque fois que je le voyais apparaître dans ma vie, surgir de nulle part, c'était un petit miracle. Comme si le bonheur avait décidé de faire irruption dans mon existence, de se pencher sur mon petit destin minable.

Jeffrey s'habillait simplement, mais il avait un petit quelque chose dans son attitude, son port de tête, ses épaules, son maintien, qui le faisait paraître prince au royaume des vivants. Jeffrey paraissait au-dessus des choses simples de la vie, au-dessus de tout, supérieur à tant de points de vue...

Jeffrey était tout cela pour moi. Mais il était aussi la passion à l'état pur. Jamais je n'avais aimé quelqu'un aussi intensément, au point que sa présence devienne un besoin vital, au même titre que l'air ou le sang. Combien de fois nous nous étions étreints l'un l'autre sans prévenir, juste pour un regard, un geste, une connexion qui nous unissait plus loin que la chair ? Dans chaque aspect de ce qu'il faisait, et plus particulièrement celui-ci, Jeffrey m'avait brûlé. Il m'avait brûlé d'un éclat si intense qu'à présent, tout le reste me paraissait terne, vide et sans goût.

Jeffrey était tout pour moi, mon monde, mon soleil. Il était entré dans mon cœur comme un météore et n'y avait laissé que des cendres. Il m'avait portée aux plus hauts sommets, aux plus belles promesses que la vie puisse offrir.

Comment aimer à nouveau quand on a connu un tel amour ? Comment se contenter d'une flamme, quand on a eu le soleil ?

Jeffrey m'avait apporté l'absolu, la pureté, l'état de grâce. Et aujourd'hui j'endurerais mille morts, s'il le fallait, plutôt que de l'oublier.