Le lendemain matin, le ciel semblait s'être calqué sur l'humeur global du château. Il était gris, terne, lourd et chargé alors que tous les élèves de Poudlard quittaient le château dans les diligences tractées par les Sombrals pour se rendre à la gare de Pré-au-Lard. Une odeur de pluie d'été régnait dans les airs. Et si le soleil n'était visible que comme une boule de lumière jaune diffuse au travers des nuages, le Némésis, lui, n'était qu'une lueur rouge qui descendait vers l'horizon et se cachait progressivement derrière une ligne de crête.
Severus était d'une humeur massacrante alors qu'il descendait de la diligence pour faire ses premiers pas sur le quai de la gare. Habituellement, les fins d'années à Poudlard étaient plus festives. Tout le monde – mis à part lui, évidemment – était content de retourner chez soi pour les vacances d'été. Autour du Poudlard Express rutilant, on s'échangeait des projets de vacances, on se promettait de s'écrire ou de se rendre visite, on se lançait d'un air joyeux : « A la rentrée prochaine ! ». Mais pas cette année-là.
Tout le monde était encore sous le choc des évènements du périgée du Némésis. Severus était tellement fatigué qu'il n'avait même pas daigné voir ce que La Gazette du sorcier en disait. Il ne voulait pas repenser à cette affreuse nuit. Mais surtout, ce qui le mettait au trente-sixième dessous restait Lily.
Elle ne pouvait pas être plus claire. Tout était terminé. Ce n'était pas leur première dispute. Mais à chaque fois, il avait entrevu une lueur d'espoir pour que leur amitié se répare. Mais aujourd'hui, il n'y en avait aucun et il devait l'accepter. Le lien était rompu. Ce n'était pas leur première dispute, non. Mais c'était bel et bien leur dernière.
Le moral assailli par les horreurs de cette nuit cauchemardesque, par Lily qu'il avait fini par perdre et par la perspective de devoir repasser deux horribles mois dans l'impasse du Tisseur, il suivit Mulciber dans le Poudlard Express. Ils choisirent un compartiment et Severus s'y laissa tomber.
Lorsque le train quitta la gare, des vallées boisées d'un vert éclatant défilaient sous ses yeux. Il restait plongé dans ses pensées alors que Mulciber semblait occupé à admirer des nouveaux modèles de balais dans un numéro de Balais-Magazine tout en s'empiffrant de friandises. Ce que Severus ressentait en cet instant, c'était de la frustration. Il revoyait Mopsus, cet étrange professeur de Divination, qui lui avait prédit deux ans plus tôt qu'il perdrait la personne la plus importante de sa vie. Était-ce déjà arrivé ? Il ne pouvait pas se résoudre à prendre la Divination au sérieux. Après tout, cette vieille bonne femme lui avait annoncé qu'il mourrait en regardant une dernière fois les yeux de la femme qu'il aimait, non ? Or, il était inutile de faire semblant : cette personne, c'était Lily.
Severus ? Est-ce que tu... Est-ce que tu es amoureux de moi ?
Oui ! Oui, je suis amoureux de toi et tu m'as jeté pour... pour un seul petit moment d'égarement !
Oui, une grande frustration commençait à enfler dans son cœur. Mais il y avait aussi de la colère. Une rage contre Lily, contre Potter et ses fichus Maraudeurs, contre Dumbledore, contre le monde entier, en fait ! Il se sentait humilié, diminué, transparent. Il entendait encore les rires méprisants des autres quand Potter avait utilisé son propre sort contre lui. Il revoyait le regard chargé de mépris que Lily lui avait jeté quand il avait encore la tête en bas. Et alors, au milieu de toutes ces images humiliantes, celle du Seigneur des Ténèbres apparut au cœur de son esprit.
Il revoyait cet homme drapé de noir, qui marchait avec assurance au milieu du plateau, respirant la puissance et la force. Personne ne pouvait le regarder avec moquerie. Personne ne pouvait l'ignorer. Personne n'osait même le regarder dans les yeux, personne n'osait même prononcer son nom.
Alors, comme pour sortir la tête de ce puit sans fond d'humiliations, de rejets et de dégoût de soi-même, il prit en une seule fraction de seconde une décision.
- Je veux en être, dit-il à voix haute.
Mulciber sortit son nez de derrière son magazine.
- Quoi ?
- Avery et toi... Vous aviez raison, souffla Severus sans quitter la forêt défilante des yeux derrière la fenêtre, il faut choisir son camp maintenant. Je deviendrai un Mangemort.
Mulciber acquiesça.
- C'est le meilleur choix, approuva-t-il, et tous les trois, on y arrivera, tu verras. Tu en as mis du temps à te décider. J'ai même cru que notre passage chez Dumbledore t'avait fait changer d'avis.
Severus tourna un regard interrogateur sur lui.
- Pourquoi cela ?
- Eh bien, tu as toujours eu beaucoup de respect pour ce type. Je pensais que tu allais le défendre en me démontrant que, quand même, Dumbledore s'est mis en quatre pour s'assurer qu'Avery continue d'étudier à Poudlard l'année prochaine, qu'on devrait lui en être reconnaissant.
Severus eut un rictus.
- Non, dit-il, bien au contraire. Je n'oublie pas que c'est à cause de ce vieux fou sénile qu'Avery s'est fait mordre dans un premier temps. S'il n'avait pas eu l'idée saugrenue d'engager un vampire comme professeur, on n'en serait pas là. Tous les deux, vous aviez raison depuis le début. Le monde des sorciers perd tous ses repères mais on ne peut pas se contenter de s'en plaindre tout en restant les bras croisés. Il faut agir. Et ce qu'on a vu, la nuit du Némésis, c'était le nouvel ordre mondial de la magie.
Encore une fois, Mulciber acquiesça.
- Ça, c'est bien dit, Rogue.
Severus retourna à sa contemplation du paysage par la fenêtre de leur compartiment. Comme pour se rassurer, il répéta :
- Je deviendrai un Mangemort.
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Les Maraudeurs et le Retour du Némésis (tome 5)
FanficLe monde des sorciers est plus divisé que jamais après les évènements de Uagadou. Alors que des élections visant à élire un nouveau Ministre de la Magie occupent les actualités, les Maraudeurs, Lily et Severus s'apprêtent à entrer en cinquième année...