Valentina

Nouvelle vie

L'entretien a été un réel succès malgré quelques aléas du direct comme, des blancs, des "euh" et des "merci" un peu trop répétitifs. J'ai même effectué un essai dans la foulée qui fût concluant pour eux comme pour moi. Le beau gosse qu'Angélique avait dragué ne travaille plus ici. Par conséquent, je débute le premier jour du reste de ma vie professionnelle, une semaine après cet essai.

- Tina ! T'es prête ? On ouvre dans deux minutes.
- Oui Carlos, j'arrive !
- Aurore ici présente va te former. Les règles sont simples et je ne te ferais pas chier si tu les comprends assez vite.
- Euh d'accord.
- Tu as le droit de te tromper mais si tu fais deux fois la même erreur, c'est dehors. Si tu casse une assiette, c'est pas un drame mais si t'en casse deux, tu paies. T'as le droit à une pause quand le service du midi est terminé, pas pendant sinon c'est dehors. Les problèmes personnels c'est pas ici, tu les laisse chez toi. Ici on pense client, chiffre d'affaire et on sourit, peu importe les circonstances, tu souris ! Si t'as un problème avec un client, tu viens me voir tu ne le règles pas toute seule. Si t'as la moindre question sur le métier c'est Aurore que tu vas voir, pas moi, je m'en fous. Moi tu me parles de rien, sauf des clients qui remplissent mon compte en banque et des plats que je dois préparer. Est ce que je suis assez clair ?
- C'est bon ! Ne la traumatise pas pour son premier jour. Tout va bien se passer ma grande, tu dois juste faire ton boulot correctement et écouter tout ce que je te dis, le reste viendra tout seul.
- D'accord, merci à vous deux.
- En piste mesdames.

Carlos retourne dans sa cuisine et je vais donc accueillir les premiers clients qui se présentent, puis les prochains et encore ceux d'après. Je me débrouille du mieux que je peux, Aurore m'aidant énormément, même si elle râle de temps en temps, seule de la bienveillance émane d'elle. C'est elle que j'ai eu au téléphone le jour ou j'ai appelé, elle ne paraissait pas du tout aimable mais, je dois avouer que je suis agréablement surprise de sa gentillesse.

- Pourrais-je avoir une table pour deux s'il vous plaît ?

Je n'en crois pas mes oreilles. Alors que je suis derrière le bar à essuyer et ranger les verres, une voix familière m'interpelle.

- Tina ! C'est incroyable de te voir ici, depuis quand tu es devenue une femme ?
- Jérémy...
- Lui-même.
- Tu veux t'occuper de ce petit couple si tu les connaît ?

Sans façon... Je n'arrive pas à réaliser que même sur mon lieu de travail, je sois obligée de faire face à mon passé d'une manière ou d'une autre.

- Je préfère continuer de ranger si ça ne te dérange pas ...
- Ce n'était pas une vraie question. Occupe-toi d'eux. Pratiquer est le meilleur moyen d'apprendre.
- Bon d'accord... Suivez-moi s'il vous plaît.
- Comme elle est mignonne, elle nous envoie du "s'il vous plaît", c'est charmant.

Nous ne serions pas sur mon lieu de travail, je l'aurais envoyé chier depuis sa première vanne. Il fait le coq, son intéressant, comme à son habitude. Ce trait de caractère détestable étant renforcé par la présence de ce qui semble être sa petite amie. Je la plains énormément, elle ne sait pas dans quoi elle s'embarque.

- Voici la carte. Le plat du jour est le chili con carne du chef. Vous voulez boire quelque chose avant de commencer ?
- Et bien si tu nous laissais regarder le menu et les boissons peut-être qu'on te dirait ce qui nous ferait plaisir !
- Très bien, je reviens dans quelques minutes.
- C'est ça.

Heureusement que c'est un peu plus calme et que je n'ai plus que cette pression là à gérer car je pense que j'aurais explosé. Je suis impressionnée de mon self-contrôle malgré ses efforts pour me pousser à bout. Quelque chose me dit cependant qu'il ne s'arrêtera pas là ...

Une heure plus tard, j'attrape les deux assiettes où se trouvent un fondant au chocolat baignant dans une crème anglaise, accompagnée d'une boule de glace vanille et d'un peu de chantilly. Je m'apprête à les servir lorsque d'un coup, je bute sur un obstacle qui projette mon corps en avant et fait voler les assiettes dont une atterrissant directement aux pieds de Carlos, nous arrosant un peu tous du liquide jaune et onctueux au passage.