Le premier pas

59 7 1
                                    

En ce dimanche matin, je me réveille et comme d'habitude depuis presque une semaine maintenant, une délicieuse odeur de café envahit mes narines. Je me demande si Nate ne cherche pas à obtenir la médaille du meilleur colocataire du pays ! Ma tasse est déjà prête et m'attends sagement sur la table du salon. Angélique travaille ce week-end donc ça ne peut être que lui, lui qui est assis sur le canapé encore en fouillis avec le coussin et la couette qu'il utilise pour dormir. Une tasse dans une main et une clope dans l'autre, il regarde la télé puis tourne son regard vers moi quand je pénètre dans la pièce.

- Bonjour Tina, bien dormi ?

Je n'ai toujours pas décrocher un mot car je n'y arrive pas, alors, je me contente de hocher la tête. Je prends ma tasse et mes clopes et m'assois à côté de lui. Il se relève, se place à ma hauteur et je sens l'hésitation dans sa voix.

- Tu ne veux pas sortir aujourd'hui ? Ça te ferait du bien de changer d'air.

Je lui fais un léger signe de tête négatif. Je ne veux pas sortir, je ne veux pas changer d'air, je veux rester près d'elle. Les funérailles étant passées, plus rien ne m'oblige à mettre un pied dehors pour le moment.

- Comme tu voudras. Je ne te forcerais jamais à rien sache-le.

Je pose mes yeux sur lui, ceux-ci emplis de reconnaissance d'être ici, avec moi, dans ces moments difficiles malgré l'ambiance peu joyeuse qui règne et malgré les conflits qu'il a avec Angélique. Je suis reconnaissante envers ces deux êtres bienveillants à qui je ne mène pas la vie facile ces derniers jours.
Je n'arrive pas à faire sortir un seul son de ma bouche, je ne peux que penser et réagir avec des signes, ce qui en soit, est déjà une amélioration. Je suis sans doute en état de choc, mais le fait de le savoir est déjà positif.

Pour le remercier de ce qu'il fait pour moi, et parce que j'en ai vraiment envie, une fois mon mégot écrasé dans le cendrier, je décide de me blottir dans ses bras. Je le sens surpris mais il ne bronche pas et me rend mon étreinte. Une main vient se poser sur ma tête et elle me caresse les cheveux puis le dos. Il me dit d'une voix basse, à peine audible « ça ira, je suis là Tina ».
À l'encontre de tout ce que je m'étais promis, de tout ce que je lui avais dis, et de tout ce que mon cœur et mon âme ne voulaient plus, j'apprécie ce moment à tel point que je lève mon visage vers lui. Je plonge mon regard dans le sien, puis regarde ses lèvres et de nouveau ses billes, ses magnifiques billes. Un sourire se dessine sur ses lèvres fines et, sans réfléchir davantage, je décide d'approcher mon visage du sien, de plus en plus et je viens frotter mon nez contre le sien, nos lèvres se frôlant dangereusement. Je ne parviens pas encore à sauter le pas et recule donc pour me reposer à nouveau sur son épaule.

Le temps passe mais nous ne nous quittons pas, savourant chaque seconde au dessus de toute douleur. J'ai si mal au fond, je le sais, cela ne partira pas comme ça. Malgré tout, mon corps qui s'était réglé sur le mode "machine", accepte d'être humain toute la durée de notre échange si agréable. Nate que j'ai adoré, détesté puis que je repoussais sans arrêt est aujourd'hui l'équivalent d'une douce mélodie qui raisonne en moi. Peu de temps que nous nous connaissons mais tellement de connexion déjà, une sensation que je ne pensais jamais connaître et que, j'aurais aimé admettre dans d'autres circonstances que celle-ci.

Pourtant je sais qu'il ne pourra jamais me sauver. Personne ne le peut... Je suis au bord d'un précipice et ces moments ne font que retarder l'échéance. Il pense sans doute que je suis une fille qui a juste perdu des proches, il ne s'imagine pas un instant de qui je suis réellement et ce que j'ai vécu. Je suis persuadé qu'il pourrait fuir si par malheur il apprenait toute la vérité sur ma vie. C'est aussi une des raisons qui font que je passe mon temps à le rejeter, il ne comprendrait pas.

Mais aujourd'hui je ne veux pas, je ne peux pas le rejeter une énième fois, il me fait tant de bien ici et maintenant. J'ai envie de profiter de cette journée comme si c'était la dernière car chacun de nos instants peut être le dernier, et si demain il partait ? Je regretterais toute ma vie de n'avoir jamais pu goûter la chaleur de ses lèvres et le goût du désir que j'y retrouverais sûrement. Voyons les choses en face, tout a été fait pour que nous nous rapprochions alors, pourquoi résister ?

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je décide de me redresser et mon visage se trouve près du sien. Nos regards se croisent et se perdent à nouveau. L'envie me prend d'écraser mes lèvres sur les siennes. C'est un baiser si doux et si décompressant que j'en oublie la douleur et le mal accumulé de ces dernières années. Je me délecte de ce sentiment de bien être intense, des frissons parcourus le long de ma colonne vertébrale ainsi que des petits papillons qui s'agitent au creux de mon estomac. Il vient de rassembler chaque morceau brisé en me rendant mon baiser et le temps s'arrête. Je ne veux plus jamais partir d'ici, de ses bras.

Malheureusement pour moi, il met lui même fin à notre baiser et caresse ma joue.
- Tina, ma belle Tina... J'ai beaucoup apprécié cet instant mais... Je ne veux pas être celui qui profite de ton mal-être pour obtenir quelque chose de toi.

J'ai un mouvement de recul. Les morceaux de moi se brisent à nouveau. Il ne va quand même pas me repousser à son tour ? Comme si il avait lu en moi, sa défense ne se fait pas attendre.

- Attends avant de tirer des conclusions bizarres, c'est juste que tu n'es pas au mieux de ta forme et je ne veux pas que tu le regrettes après. Je n'aimerais pas que tu te dise que c'était seulement sous le coup de la tristesse tu comprends ? Pour moi c'est tellement plus que ça tu sais ...

Je retire sa main de mon visage et détourne le regard, il m'énerve.

- Tina ... Ne croit pas un instant que je n'en ai pas envie mais ... Tu le veux vraiment ?

Pour seule réponse et rangeant ma fierté de côté, j'attrape son visage et l'embrasse à pleine bouche à nouveau, histoire qu'il comprenne que oui, j'en ai envie. J'ai envie de l'embrasser depuis le premier jour où j'ai croisé son regard, j'en ai eu envie à chaque fois qu'il était près de moi malgré mes efforts incontestés pour fuir cette vérité. Je pense que je ne peux pas être "on ne peut plus clair".

Mon pouls s'accélère au même rythme que le sien et je décide maintenant de m'asseoir sur lui. Il me rapproche de lui le plus possible comme si son seul désir en cet instant était de se fondre en moi, et j'en avais envie autant que lui. Prolonger cet instant si intense serait la suite logique de ce moment magique. Je lui fais comprendre alors mes pensées en lui retirant son t-shirt et il se dépêche de venir retrouver ma bouche après l'avoir jeté par terre, comme si il était affamé de moi.

En pleine élévation, je suis malheureusement sur le point de chuter. William apparaît dans mon esprit mais je tente de repousser l'image de son visage diabolique. Nate tente de m'enlever à son tour mon pull et je le laisse faire sans grande conviction. Je tente de retrouver la fougue qui m'habitait quelques minutes plutôt mais j'ai un blocage. Je mets rapidement fin à cet échange, me lève et me rhabille très vite tout en lui lançant son t-shirt à la figure.

M'apercevant de la dureté de ce geste, je me rassois à ses côtés en le regardant, les yeux humidifiés de honte et d'excuses. Par chance, il comprend et me prend dans ses bras. Je sens son cœur battre à travers sa poitrine, j'ai même la sensation qu'il tremble. Je m'en veux de l'avoir mis dans cet état. Je ne veux pas qu'il croit que j'ai agis sur un coup de tête et que rien n'était vraiment voulu car c'est tout le contraire. En parfait gentleman, il trouve les mots et passe au dessus de ce que je viens de lui faire subir.

- Tout va bien, ce n'est pas grave. Je ne pars pas je te le promets.

J'ai envie de lui répondre que oui, je ne veux pas qu'il parte, pas de cette façon ...

ValentinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant