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Alexie

Couchés l'un contre l'autre, son torse collé à mon dos,  sur le tapis de mon salon, je savoure ses doigts qui effleurent ma peau. Je ferme les yeux quand je sens ses lèvres sur mon épaule.

- tu ne peux pas faire semblant de ne pas la voir pas vrai?

- non, et je n'ai pas envie de l'occulter. Si elle n'était pas là , nous non plus on ne serait pas là.

Je lie mes doigts aux siens et porte sa main à mes lèvres.

- J'ai longtemps hésité à la masquer par un tatouage.

- pourquoi?

- parce que je ne supportais plus de la voir dans le miroir...

Il soupire en caressant ma tempe, je reprends doucement.

- chaque fois que je la voyais, je me revoyais seule dans ce lit d'hôpital, elle me renvoyait constamment l'image de ce que j'avais perdu en la gagnant.

Il marque un arrêt dans ses caresses.

- Pourquoi tu ne l'as pas fait alors?

- Parce que... grâce à elle tu étais toujours en vie. Et j'étais en colère. Elle était bien réelle, la marque de mon amour pour toi,elle me prouvait tous les jours que tu avais tort. Je n'aurais pas du être là, j'ai pris la place de mon collègue parce que c'était toi et que je n'ai pas agi avec ma tête mais avec mon cœur. Les mots de ta lettre me hantaient, je ne comprenais pas comment tu pouvais douter de moi. Que tu m'en veuilles je le comprenais, que tu remettes tout en cause.... Alors peu importe ce que tu pensais, moi je savais que notre histoire n'était pas un coup monté, et elle me le rappelait chaque jour.

Ses bras resserrent son étreinte autour de moi.

- Je crois que je m'en voudrais toute ma vie... j'ai écrit cette lettre en état de choc, dans le couloir de l'hôpital, pendant que tu étais entre la vie et la mort, j'attendais qu'on m'annonce que tu t'en étais sorti. La femme que j'aime était entrain de mourir ou de battre pour survivre, mais j'y avais l'impression de n'a pas connaître cette femme qui sortirait du bloc.Et plus je cogitais, plus j'étais perdu, j'avais l'impression que le monde que j'avais construit après un premier drame dans ma vie, s'écroulait à son tour. Je ne savais plus quoi croire, alors j'ai écrit. En posant sur le papier, mes pensées devenaient concrètes et quand je me suis relu, j'ai pris peur. Je n'arrivais pas assumer de te revoir, faire comme si de rien. Je n'ai pas cherché d'explications, j'étais anéanti. J'ai préféré tout laisser derrière moi.

Les larmes se forment à mes yeux, repenser à cet épisode me fait encore souffrir et entendre de ses lèvres qu'il a préféré me laisser derrière lui me fend la poitrine. Je reste silencieuse à tenter de retenir mes larmes.

- je suis passé par toutes les étapes du deuil de notre histoire: le choc, le déni, la colère, la tristesse, la résignation, et l'acceptation. C'est pour ça que je suis venu ici, pour entamer la dernière et me reconstruire. Et quand je t'ai revu, j'ai compris que cette dernière étape était impossible, je retournais à la case départ. Chaque instant que je passais avec toi, effaçait  chaque étape.
Je me suis rendu compte que je n'avais pas accepté quand je t'ai embrassé, que je n'étais pas résigné quand j'étais jaloux de ton histoire avec Cole, ma colère s'est dissipée quand tu m'as avoué me sauver en dehors de ton cadre de travail, et le déni s'est évaporé quand je me suis admis à moi même que je t'aimais toujours...
Il n'y a donc pas de deuil à faire de notre histoire.

Je ne retiens plus mes larmes depuis un bon moment, calée aux creux de ses bras je l'écoute attentivement, chacun de ses mots a emporté avec lui une partie de ma douleur. Il me serre fort contre lui, sa tête sur mon épaule. Il me chuchote:

- Je te promets que je ne ferais pas la même connerie deux fois, je ne te laisserai plu jamais...

Je ferme les yeux dans un sanglot, les mots que j'avais besoin d'entendre...
Il me serre en attendant que mes larmes cessent. Quand ma respiration retrouve son rythme normal, il me fait tourner dans ses bras. Face à face, il caresse mon visage.

- J'aimerai savoir... cette fameuse lettre, qu'est ce que tu en as fait?

Je reste surprise, je ne m'attendais pas à cette question.

- Euh, je l'ai rangé dans un livre.

Il embrasse mon front et se lève, dans sa tenue d'Adam pour s'avancer devant ma bibliothèque.

- Lequel?

Je me redresse interloquée, repliant mes bras autour de mes genoux.

- Tu veux la relire?

- Non, ça c'est inutile. Alors lequel?

Je me mords la joue et répond du bout des lèvres.

- hum... le livre avec la couverture rouge en haut de la bibliothèque.

Il se saisit de l'ouvrage, un exemplaire datant du siècle dernier de « Roméo et Juliette ». Il me regarde avec un sourire en coin.

- Tu as beaucoup d'attentions romantiques derrière tes airs de femme dure.

Je lache un rire en haussant les épaules, rougissant presque.

- C'est le côté du petit chaton qui pèle dans ces moments là.

Il me sourit et ouvre le livre pour se saisir de la lettre. Je déglutis en fermant les yeux.
Ne la lis pas je t'en prie.
J'attends patiemment mais rien ne vient, et quand je réouvre les yeux, il n'est plus là où il était. Je me lève en le cherchant et le trouve dans la cuisine entrain de déchirer la lettre et de la mettre à la poubelle. Il se retourne vers moi et plonge son regard dans le mien.

- Elle est beaucoup mieux là,  elle n'aurait jamais du exister...

F.E.I (Fausse Étudiante Infiltrée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant