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James

Je vais tous les encadrer s'ils continuent à me dévisager comme ça! C'est pas assez difficile d'être en deuil, il faut en plus que je sois le centre d'attention pour ça. Je viens de revenir des obsèques et j'entends déjà les chuchotements, les bruits de couloir sur mon compte. J'avais déjà l'étiquette de « fils de sénateur » à supporter, maintenant j'ai celle de « fils de sénateur cruellement assassiné ». Je les méprise tous! Je claque la porte de ma chambre et envoie mon poing dans le mur de rage. Pas très intelligent, et je ne suis même pas certain que ça me soulage réellement.
Je dois récupérer mes affaires pour aller en cours, la poisse, vraiment je n'ai pas envie de me confronter aux autres mais pas le choix.
Je me dirige vers l'amphi et prend place. Le cours va commencer et j'entends les commérages autour de moi. C'est infernal. Toutes les places autour de moi sont vides, un vrai paria. Je ne comprends pas, ils ont peur de se prendre une balle eux aussi a être trop près de moi?!? D'un coup je vois un sac se poser à la table à côté de moi. Je reconnais le sac à dos de Mickael.

- Tu devrais pas t'installer là, tu risques de mourir...

- Je prends le risque mon pote!

Il prend place en ajoutant.

- Laisse les parler, on s'en fout d'eux, comment tu te sens ?

Je soupire, à ton avis? Mais je ne vais pas l'envoyer paître, c'est peut être le seul allié qu'il me reste ici . Mais je n'ai pas le temps de répondre que le prof entre en lançant

- « Je svous frapperai d'une peine si dure que tous, vous regretterez la perte des miens »*

Un instant en suspens le temps qu'il sorte son livre de son cartable en cuir et les bourdonnements autour de moi reprennent. Je sens leur coups d'œil sur ma nuque, j'ai envie de hurler et de tout envoyer valser. Après quelques vers le prof s'interrompt en fermant son livre.

- Excusez moi jeunes gens, c'est trop vous demander de faire un peu attention à moi? Je sais que je suis moins séduisant mais bon.

Il a cru m'aider sérieusement? Le brouahah reprend de plus bel, je m'enfonce dans mon siège en passant ma capuche sur ma tête.

- Excusez moi monsieur...

La voix d'une fille provient de derrière moi.

- Oui mademoiselle?

- Excusez moi de vous interrompre, mais je suis nouvelle sur le campus.

- bienvenue à vous et En quoi puis je vous aider ?

- et bien... je pensais m'être inscrite en fac de droit, pas de littérature...

Son ton ironique m'arrache un sourire alors que tout le monde s'esclaffe autour d'elle.
Le prof sourit également, se retient même de rire je pense.

- Pas d'erreur vous êtes au bon endroit, la littérature nous donne bien des aspects de la justice qu'on ne soupçonne pas.

- Ah pardon! J'avais mal lu le programme alors, vous pensez que je dois aller en fac d'histoire aussi?

Le prof hausse un sourcil alors que tout le monde rit de nouveau.

- Non parce que comme ça je pourrai étudier la civilisation romaine, qui est quand même pionnière niveau justice...

Le prof sourit à nouveau sous le brouahah qui cette fois lui est destiné. Au moins je n'attire plus l'attention. Je tilte, est ce qu'elle a fait exprès? Exprès de se tourner en ridicule pour enlever le projecteur que j'avais au dessus de la tête? Je me tourne doucement. Inutile de la chercher longtemps, ses yeux se baissent sur moi au même instant. Elle me sourit et finit par baisser le regard sur ses notes. Elle l'a fait exprès... c'était volontaire pour qu'on arrête de s'acharner sur mon sort. Je souris de gratitude et me retourne dans mon siège. Non pas que j'ai besoin d'être secouru mais ça m'évitera de faire scandale pour qu'on me lache les bask! Le cours se poursuit, je n'entends plus les autres chuchoter sur mon compte. Je la remercie mais pourquoi à t'elle fait ça? On ne se connaît même pas. Je me tourne légèrement pour la regarder du coin de l'œil, elle est entrain de prendre des notes. Penchée sur son bureau je peux analyser son profil. Son teint hâlé témoigne qu'elle aime le soleil, sa peau est lisse et veloutée, sa bouche pleine et rosée est surmontée d'un petit nez, ses pommettes dessinées sont joliment rehaussées d'un rose léger. Mais ce qui me perturbe le plus, c'est son regard. Je ne vois pas ses iris mais ses cils ont l'air vertigineux, naturellement, pas comme toutes celles qui se mettent des faux cils grotesque. De la, elle ressemble à une poupée de cire, une jolie poupée de cire... elle doit sentir mon regard sur elle parce qu'elle relève légèrement les yeux vers moi. Je déglutis, gêné d'être pris sur le fait entrain de la dévisager et surtout parce que, ben parce que ses yeux sont ... je me sens aspiré. Non mais écoutez moi?! Qu'est ce qu'il m'arrive?! Elle me sourit timidement et reprends le cours de ses notes alors que je me retourne face au prof. C'est qui cette fille ?! D'où elle sort?! Je m'en souviendrai si je l'avais déjà croisé !

Lorsque le cours s'achève, mon héroïne a déjà disparu de son banc. Je me précipite pour sortir et la vois au loin entrain de pianoter sur son téléphone.

- Hey attends !

Elle se retourne vers moi, l'air surpris et finis par sourire en me reconnaissant.

- oui?

- je voulais te remercier. Je devrais être vexé que tu aies pris ma Défense, mais en réalité tu m'as évité de casser quelques têtes alors....

Elle acquiesce de la tête.

- Pas de quoi...

- je m'appelle James.

Elle examine la main que je lui tends, je ne sais pas pourquoi je fais ça! C'est pas un mec, et on est plus au moyen âge. Elle lache un rire mais passe quand même la sienne dans la mienne. Sa main est minuscule, toute douce et chaude, et ce souriant électrique qui traverse mon corps ne me laisse pas indifférent .

- Alexie.

- Tu sais qui je suis Alexie?

- Je devrais ?

Alléluia! Enfin quelqu'un qui ne sait pas qui était mon paternel. Une vraie bouffée d'oxygène cette fille!

- non pas plus que ça, mais comme tu as fait en sorte qu'on arrête de parler sur mon compte...

- ah, et bien ne le prends pas mal, mais je t'ai vu t'enfoncer sur ta chaise alors mon âme de robin des bois n'a pas su résister.

- Robin des bois?... je vois plutôt belle Mariane...

Mais qu'est ce que je dis?! Ferme la James! Elle va prendre la poudre d'escampette avec tes conneries!
Elle rougit et baisse le regard.

- euh merci... je crois... je suis désolée je dois me sauver

Qu'est ce que je disais?! J'ai perdu la main de toute évidence, avant j'avais même pas besoin de parler, mais ça c'était avant.

- Je comprends

- Mais on se revoit bientôt, tu auras peut être encore besoin que je te sauve les miches!

Je me plonge dans son regard, je craque, je n'arrive plus à articuler

- à bientôt James...

Et elle se détourne de moi, me laissant la, comme un abruti qui ne sait plus parler. Dès qu'elle est assez loin, je capte à nouveau les regards sur moi. Je lève les yeux au ciel et enfonce ma casquette que ma tête pour regagner ma piaule, c'est vraiment invivable ici!

* Roméo et Juliette, W.Shakespeare,  (III, 1, 186-187)

F.E.I (Fausse Étudiante Infiltrée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant