Chapitre 1

38 4 0
                                    

Anaé


Une odeur subtile me parvient. Elle est légère, boisée et familière. Comme le souvenir d'une promenade estivale en forêt. J'ouvre lentement les yeux. La lueur aveuglante du jour perce à travers les fins rideaux qui ondulent sous la rafraîchissante brise du matin. Elle traverse la pièce et caresse doucement mon visage.

- Te voilà réveillée, énonce une voix harmonieuse.

Je me retourne et le vois. Debout à côté du lit, Dastan, mon bien-aimé, essuie ses délicates boucles mouillées avec une serviette. Le vent fait gonfler sa chemise en lin, légèrement entrouverte sur un bout de peau dorée, et ramène avec lui le brouhaha du centre-ville. Il doit être aux alentours de huit heures du matin. Les habitants de Lullin s'affairent dans la rue en contrebas.

J'étire mes bras endoloris et tout le haut de mon corps. J'ai dormi comme une pierre. La route depuis Damani m'a épuisée. Nos pérégrinations nous ont menés jusqu'à Persitt. Notre voyage touche à sa fin.

Je sors les jambes des couvertures, pose les pieds à terre en continuant de m'étirer. Dastan se rapproche en quelques enjambées et me serre dans ses bras puissants. Je me laisse aller à sa douce étreinte en refermant les miens dans son dos.

- Devons-nous repartir immédiatement ? demandé-je.

- Malheureusement oui. Le voyage jusqu'à Asteria est encore long, et le train nous attend.

Je redresse la tête en affichant ma déception et plonge mon regard dans ses iris verts qui brillent comme deux émeraudes à la lumière du soleil.

- J'ai encore une affaire à régler en ville, mais tu peux visiter l'avenue principale, si tu veux.

Je le gratifie de mon plus beau sourire. Ses lèvres s'étirent à leur tour en un sourire radieux.

Ce sourire que j'aime tant.

Notre rencontre remonte à un peu près un an maintenant. Je traversais déjà le continent depuis deux ans avec l'envie d'explorer chaque pays qui m'était ouvert. Depuis toute petite déjà, je rêvais de voyage et d'aventure. Alors, après avoir amassé assez d'argent, j'ai quitté mes parents et leur ferme le jour de mes dix-huit ans et me suis lancée dans une expédition pleine de rebondissements. Je n'avais aucune idée d'où aller, d'où rester. Je visitais chaque ville ou village qui se présentait à moi dans le seul et unique but de découvrir.

Mes parents se sont montrés réfractaires la première fois que je leur ai parlé de mon désir de découverte, puis ils ont fini par comprendre que rien ne m'empêcherait d'assouvir ma soif de curiosité et d'éprouver ma liberté. Et si je devais le refaire, je ne changerais rien de ce qui s'est passé. Car cette succession de décisions m'a menée à Dastan.

C'était un jour de pluie à Litélia, la capitale de Séraphine. Je n'avais pas vu le soleil depuis quatre jours, coincée ce qui m'a paru une éternité dans l'auberge dans laquelle je travaillais. Je ne supportais plus l'idée d'être enfermée entre quatre murs. J'ai alors décidé de braver le mauvais temps et d'atteindre ma prochaine destination en passant par la Forêt Primordiale, cette large étendue d'arbres antiques qui barre le centre du continent. J'avais loué un cheval pour la route. Ce qui était une simple, mais pas moins ennuyante, averse s'est soudain transformé en orage. Quelques éclairs plus tard, je me suis retrouvée au sol, dans l'incapacité de rattraper ma monture apeurée, trempée jusqu'aux os avec une carte en lambeaux.

C'est là que je l'ai rencontré.

Surpris lui aussi par la tempête, il s'était abrité dans la grotte que j'avais trouvée parfaite comme refuge. J'y suis entrée, il m'a surprise et j'ai sursauté en le voyant. Je ne connaissais rien de cet homme, et j'aurais peut-être dû m'enfuir en courant lorsqu'il a émis l'idée de partager le repaire. Mais je n'avais nulle part ailleurs où aller et quelque chose d'apaisant se dégageait de lui. Comme une aura bienveillante dissipant la brume de ma défiance.

Asteria : L'Héritage des AstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant