Chapitre 29

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Anaé


Deux jours se sont écoulés depuis mon escapade à l'étang avec Dastan. Et comme il me l'avait annoncé, il est parti ce matin, avant le lever du soleil, faire la tournée des villages de Persitt. Luka et Rowan l'ont accompagné, ainsi qu'une poignée de gardes. Il a passé les deux nuits précédentes dans ma chambre. Et chaque nuit je profitais de sa chaleur, de son corps pressé contre le mien, de ses baisers et de ses caresses, en les sachant éphémères.

Dans le brouillard encore obscur de l'aurore, ma capuche relevée pour dissimuler mon visage, je bande mon arc pour chasser l'amertume que son départ laisse sur ma langue.

Le roi m'a interdit l'accès au champ de tir et j'ai dit que je me ferai discrète ; pas que j'obéirai au doigt et à l'œil. Pourtant, chaque seconde qui me rapproche du début des entraînements fait battre mon cœur un peu plus vite.

Tirer.

Voilà la seule chose qui réussit à détourner mes pensées. À combler, ne serait-ce que quelques minutes, le vide que l'absence de Dastan creuse en moi.

Nous qui venions à peine de nous retrouver...

La corde s'étire entre mes doigts. Je souffle un bon coup et me focalise sur ma cible. La paille a été repeinte d'un cercle rouge, et en son centre d'un rond de la même couleur. Je canalise toute mon énergie, adapte ma respiration et lâche enfin la flèche qui vient se nicher au cœur même du point rouge.

Quelqu'un siffle à côté de moi. Je sursaute en poussant un cri d'effroi. Ma capuche retombe. Mon arc me glisse des mains et tombe sur la plaine sans un bruit.

— Stupéfiant, commente Jin.

— Nom d'un chien, Jin... Comment pouvez-vous être aussi discret ?

— Je ne le suis pas. Je vous ai même appelée sans que vous n'ayez daigné me répondre.

Mon pouls est si rapide que j'entends mon sang battre contre mes tempes. À quel point suis-je tourmentée au point de ne l'avoir ni entendu arriver, ni m'interpeller ?

— Pourquoi ai-je supposé qu'après la demande du roi, vous vous tiendriez à carreau ?

Je me penche pour ramasser mon arc.

— Parce que, manifestement, vous continuez à m'idéaliser.

Il se fige.

— Vous... idéaliser ?

— Oui. La « fiancée candide » ramenée par le prince, vous vous rappelez ?

— Ah. Elle vous a marqué celle-là.

Mon attention se porte sur l'arc qu'il tient entre les mains. Je scrute ensuite les couloirs, à l'affût de la prochaine personne qui pourrait nous rejoindre. Je n'ai pas eu de scrupules à désobéir au roi pour la simple et bonne raison que je comptais déguerpir avant de me faire prendre la main dans le sac.

— Vous avez encore quelques minutes devant vous, rassurez-vous, intervient Jin. Personne ne vient de ce côté du château avant que le soleil soit monté assez haut pour caresser la cime des arbres.

— Vous semblez bien informé.

— Parce que j'ai également mes petites habitudes. Tirer quelques flèches avant l'aube en fait partie. Je n'escomptais cependant pas à avoir de la compagnie.

— Je peux partir si...

— Non, surtout pas ! Restez, je vous en prie.

Je fronce soudain les sourcils.

Asteria : L'Héritage des AstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant