Chapitre 6

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Anaé


La nuit a été plutôt courte. Le banquet s'est terminé très tard – ou très tôt, tout est relatif. Jin et moi avons parlé tout le reste de la soirée. Il a demandé à en savoir un peu plus sur moi, mais tout ce que je me suis autorisée à avouer nous concernait Dastan et moi. Je ne saurais dire si c'était moi ou le vin qui parlait, mais c'était agréable d'avoir de quoi chasser l'ennui. D'autant plus que, malgré plusieurs essais, j'ai échoué à arracher Dastan à ses palabres.

Je n'arrive pas à dormir plus. L'excitation dont j'ai fait preuve jusqu'à présent retombe comme un soufflé et l'angoisse revient à la charge. Je ne regrette pas d'être venue. Non, je ne regrette pas d'avoir fait ce pas. J'appréhende juste la suite des évènements.

Entraîner un courtisan dans une discussion ne me fait pas peur, mais me trouver face aux parents de Dastan me pétrifie. Ils ne sont pas seulement ses parents, ils sont surtout le roi et la reine. Les deux personnes les plus puissantes du pays. Un mot de travers, et qui sait ce qu'il adviendrait de moi ?

Et si la première impression n'était pas la bonne, je dois redoubler d'efforts pour la suite.

Mes yeux se perdent sur la fresque dessinée au plafond. Je la regarde sans pour autant la voir. Mes attentes pour cette journée sont... Quelles sont-elles, au fait ?

Survivre à ce deuxième jour me paraît déjà être un bon début.

J'aspire secrètement à croiser mon futur époux au détour d'un couloir pour lui voler un baiser discret. J'ai conscience que ses responsabilités sont à la hauteur du titre qu'il porte – et que leur importance ne fera qu'accroître à mesure que notre couronnement approchera. Je sais aussi que le fait de ne plus me retrouver en permanence en sa compagnie a sur moi un effet que je peine déjà à supporter.

Comment réagir lorsque la présence constante à laquelle on s'est habituée disparaît du jour au lendemain ? Lorsqu'on s'attend à trouver quelqu'un de l'autre côté du lit, mais qu'il n'est pas là ?

Les circonstances sont différentes à présent. Et ça, je dois l'intégrer au plus vite.

Je ne peux définitivement plus fermer l'œil. Je décide de me lever et de me détendre à l'aide d'un bain chaud. Je me plante ensuite devant mes grandes armoires et balaie des yeux la ribambelle de robes qu'elles contiennent. J'attrape la première qui me passe sous la main : une robe resserrée à la taille aux jupes amples dans des tons carmin. Je passe un coup de brosse dans mes cheveux, attrape la fleur qui les ornait hier et la glisse sur mon oreille gauche.

J'ouvre ma porte tout doucement et balaie le couloir vide du regard. Le clair-obscur de la nuit domine encore. Les appliques murales brûlent de quelques flammes épuisées.

Je me balade sans trop savoir où je vais, sous les regards rigides des gardes en lourdes armures et longues capes ocre estampillées d'un croissant de lune bleu nuit. Aucun d'eux ne me demande ce que je fais à déambuler dans le château avant l'aube. Aucun d'eux n'a besoin de savoir que je n'ai aucune idée d'où je me situe, ni que je prends un malin plaisir à fureter.

Ma visite fortuite me mène à un couloir plus étroit que les autres. Dans l'angle en face de moi, se dresse une imposante porte en bois de rose incrustée d'arabesques et de volutes gracieuses. Sur le battant de gauche est dessiné un soleil rayonnant, tandis qu'à droite, c'est un croissant de lune qui le domine.

Mes bras se recouvrent soudain de chair de poule, mais j'ignore si ç'a à voir avec le fond de l'air frais, ou avec les regards inquisiteurs que me lancent les deux hommes qui gardent la pièce. Je jette un coup d'œil à ma gauche, là où le couloir se prolonge, mais me ravise et rebrousse chemin.

Asteria : L'Héritage des AstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant