Chapitre 28

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Anaé


Quelques pensées envahissantes troublent mon humeur pourtant si joyeuse. Calathi n'a pas lésiné sur les félicitations pour notre premier bal, mais elle a très vite repris son sérieux et sa fermeté en nous expliquant à Hélicie et moi qu'on en attendrait davantage à ce deuxième.

Et que je rencontrerai le roi Uldaric et la reine Manelle, les parents d'Eudora.

Un frisson me parcourt la colonne vertébrale. Je ne dois pas oublier que leur fille était, jusqu'à il y a peu, la promise de Dastan. C'était un accord entre les souverains des deux royaumes alliés. Et quand bien même leur alliance ne se justifie pas seulement à l'union de leurs descendants, que les intentions d'Eudora sont tout sauf vindicatives, je ne peux pas faire l'erreur de m'attendre à ce qu'ils m'accueillent à bras ouverts – eux ou même leur cour.

Mon cœur martèle ma poitrine. J'aurais tant aimé que Dastan m'accompagne. Il aurait été là pour apaiser mes craintes et aurait incarné le rocher auquel je me serais accrochée le temps que la tempête s'abatte sur moi. Sa simple présence aurait représenté le rempart derrière lequel je me serais volontiers cachée.

Hélas, je vais devoir me débrouiller seule. Je ne dois plus me reposer uniquement sur lui et sur son statut. C'est à moi qu'il revient de renforcer ma légitimité et me démener dans cette jungle infernale. Ma volonté est telle : je conquerrai le cœur des Ameraldiens à ce bal, comme j'ai conquis le cœur des Astériens à celui d'hier.

Je jette un regard curieux en direction d'Hélicie, qui demeure silencieuse – comme à son habitude – depuis que nous avons quitté la salle de Calathi.

— Alors ? Comment est le comte Méribor ?

Mon culot semble la prendre au dépourvu. Elle pose des yeux ronds sur moi et une légère coloration rose apparaît sur ses joues. Mais elle soutient mon regard. Je hausse les sourcils et persiste à avoir la réponse à ma question.

— Jude est...

« Jude » ?

C'est plus sérieux que je ne l'avais imaginé...

Sa voix s'étrangle, faible, et elle doit s'éclaircir la gorge avant de reprendre sa phrase.

— Il a été galant avec moi. Il ignorait qui j'étais, et même lorsque je lui ai avoué mon véritable lien avec le duc Acocia, il n'a rien dit d'inconvenant – contrairement à ce que je m'imaginais. Il n'a pas eu le même regard que tous les autres. J'ai passé une très bonne soirée en sa compagnie.

— C'est une bonne chose, non ?

— Je ne sais pas... Iréna ne m'a pas adressé la parole depuis que j'ai accepté son invitation pour la première danse. Je pense qu'elle est fâchée contre moi.

— Oui, et sa réaction reste un mystère pour moi.

Le sourire d'Hélicie s'efface rapidement.

— Iréna est mon amie. Vous êtes les seules véritables amies que j'ai réussi à me faire dans la vie et je n'ai pas envie de la décevoir, mais...

Son aveu me réchauffe le cœur, tout en me laissant un goût amer dans la bouche. Je pose une main sur son bras pour l'inciter à me regarder.

— Mais c'est de toi qu'il s'agit, Hélicie. Quand bien même Jude et Iréna sont frère et sœur, tu as le droit de vouloir fréquenter qui tu souhaites. Surtout si cette relation te fait du bien.

Elle s'empourpre une fois de plus et cherche ses mots, puis soupire en contemplant ses pieds.

— Tu l'aimes bien, pas vrai ?

Asteria : L'Héritage des AstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant