Chapitre 21

10 2 0
                                    

Dastan


C'est avec un sourire niais que je parcours l'aile des invités pour rejoindre l'aile royale. Le palais foisonne de membres des trois cours venus s'y installer pour le grand évènement de ce soir, rituel intemporel et typiquement astérien dont j'ai entendu parler toute ma vie. Ce stupide bal m'offre toutefois l'occasion de montrer à tous que ma décision est prise et que mon choix s'est porté sur Anaé. L'occasion de faire taire tous les préjugés qui ne cessent d'accaparer les couloirs depuis des semaines et qui, je le sais, la ronge un peu plus chaque jour, même si elle ne le montre pas.

Mais de tous ceux à qui j'aurais volontiers fait un brin de causette, c'est Eudora qui se présente à moi. Tout dans sa posture m'incite à croire qu'elle attend que nous bavardions, son menton droit, ses mains croisées devant elle, et ce regard dans lequel l'insistance étincelle. Si je m'attendais à cette confrontation, il n'en reste pas moins que j'ignore comment aborder le sujet de notre passé avec elle.

— Bonjour, Dastan.

— Bonjour. Eudora.

Une gêne s'installe entre nous.

— Cela fait longtemps que nous nous sommes vus.

Sept ans pour être précis. Depuis le jour où je lui ai annoncé que j'envisageais de quitter Asteria la veille de mes dix-huit ans et qu'elle m'a imploré de la laisser venir.

Nous avons entretenu une courte correspondance après mon départ. Elle m'évoquait ses ennuyeuses journées à la Cité des Pierres Précieuses. Je lui dépeignais quelques paysages rencontrés et taisais tout le reste. Jusqu'au jour où je n'ai plus été en mesure de lui répondre... Et même lorsque l'occasion s'est représentée, je ne me sentais plus en état de correspondre.

Elle est comme dans mes souvenirs ; un teint de porcelaine sans le moindre défaut et un air juvénile qui la rend d'apparence si ingénue. Ses cheveux ont conservé cet éclat doré que j'ai gardé en mémoire. Ses yeux verts s'attardent sur la tapisserie estampillée de l'éclipse accrochée à sa droite.

— Je n'étais pas revenue à Asteria depuis un bon moment. Depuis que tu es parti, si tu veux tout savoir.

— Vraiment ? demandé-je sans avoir besoin de feindre ma surprise. Je pensais pourtant que tu prenais plaisir à rendre visite à ma mère. C'est ce que tu m'as toujours dit.

— Assurément. Mais l'envie de venir s'est évanouie quand tu es parti.

Elle arbore ce sourire que je lui connais. Celui, gracieux, élégant, et profondément destiné à me charmer, que la jeune fille a expérimenté des années durant. Mais elle n'est plus une adolescente, à présent. C'est une femme. Et peut-être son sourire a-t-il eu à une époque un quelconque effet sur moi.

Mais ce n'est plus le cas.

— J'ai appris que ta participation à l'organisation de ce bal était de ton initiative.

— J'avais besoin de te revoir.

— Eudora...

— Je voulais que tu saches que je me réjouis pour toi, Dastan. Vraiment.

Je me raidis, interdit.

— Se marier par amour est une aspiration commune à tout un chacun. Une utopie à laquelle les gens comme toi et moi s'accrochent éperdument. Je suis heureuse qu'elle se réalise pour toi.

— Eudora... déclaré-je avant que ma gorge ne s'assèche davantage et ne consume mes mots dans sa sécheresse. Je sais que j'ai été injuste avec toi. Je te dois des excuses...

Asteria : L'Héritage des AstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant