Asteria : L'Héritage des Astres

Chapitre 5

Anaé

Est-ce qu'un cœur qui bat à tout rompre peut se fendre lui-même ? Parce que le mien martèle si fort mes côtes que je ne serais pas surprise s'il venait à se briser en mille morceaux.

J'ai beau tourner la question dans tous les sens, je ne sais toujours pas comment appréhender cette soirée.

La nuit est tombée. Mon cerveau fait des nœuds tandis que j'arpente le grand couloir éclairé par de hauts chandeliers en compagnie de Jasmine.

Qu'est-ce qui serait le pire ? Que je sois incapable de me tenir en société parce que je n'y connais vraiment rien ou que je me comporte trop bien parce que je suis une championne de l'adaptation de terrain ?

Dans un cas comme dans l'autre, on ne manquera pas de déverser un torrent de ragots à mon sujet. Je me suis déjà faite à cette idée.

Plus j'y pense et plus je me sens davantage proche des domestiques que des courtisans.

Bon sang, je suis une adulte. Je dois bien être capable de trouver un juste milieu, non ?

Soudain, quelques doutes en moi disparaissent. Mon cœur tambourine dans ma poitrine pour une tout autre raison.

Dastan est là. Devant la grande porte. À discuter avec quelqu'un que je ne connais pas.

Je n'ai jamais été aussi heureuse de le voir qu'en cet instant.

Lui aussi est habillé en conséquence et... Pourquoi ai-je plus chaud tout à coup ? Sa veste couleur fauve laisse apparaître le col travaillé de sa chemise à jabot ivoire. J'ai envie de courir me lover dans ses bras. Il m'accueillerait en me serrant très fort, peut-être même qu'il me ferait tournoyer autour de lui comme j'aime tant qu'il le fasse.

Mais nous ne pouvons pas.

Alors je m'avance lentement dans sa direction, un sourire naturel aux lèvres. Lorsqu'il détourne le regard vers moi, je le vois formuler un « waouh » silencieux. Il s'excuse auprès de son interlocuteur et fond sur moi en quelques enjambées. Il s'arrête à un pas seulement, saisit ma main et y dépose un délicat baiser. Il s'écarte de moi l'instant d'après pour détailler ma tenue avant de me proposer son bras.

— Tu es radieuse. Tout le monde n'aura d'yeux que pour toi ce soir.

Je noue mon bras au sien.

— Je ne tiens pas à être le clou du spectacle.

Dastan rit avant d'approcher ses lèvres de mon oreille.

— Tu m'as manqué.

Ma main se contracte très légèrement sur le tissu de sa veste. Lui aussi m'a manqué. Plus que je ne l'aurais cru.

Il poursuit :

— Ta présence me manque, ta chaleur me manque, tes baisers me manquent... Mais peut-être pas autant que tes traits d'esprit.

Je le gratifie d'un sourire espiègle lorsqu'un homme âgé fait son apparition derrière nous et se racle la gorge de manière à ce qu'on l'entende. Sa peau brune contraste avec ses cheveux et sa barbe grisâtres. Ses yeux brun clair se posent furtivement sur nos bras entremêlés avant de se relever.

— Mon prince, nous n'attendons plus que vous.

— Oui, Guidéon, répond Dastan. Allons-y.

Il me sourit.

— Prête ? chuchote-t-il.

Oui. Non. Je prends une profonde inspiration et acquiesce par un hochement de tête que j'aurais voulu moins hésitant.