Chapitre 30

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Anaé


Les deux jours qui ont suivi ont pris un temps infini à passer et se sont résumés à petit-déjeuner avec la reine et nos dames de compagnie, à galoper dans les plaines verdoyantes sur le dos de Zéphyr, et à suivre mes cours d'étiquette.

Chaque nuit, je souffrais de l'absence de Dastan et chaque jour, je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour penser à autre chose.

Le tailleur est passé reprendre quelques mesures supplémentaires pour ma robe de mariée. Et même si me retrouver entre ses doigts de fée me rendait heureuse, la mélancolie saisissait mes pensées dès qu'elles n'avaient plus aucune occupation.

Bien qu'avoir quitté mon foyer ait été une déchirure, jamais je n'ai autant souffert d'un éloignement, ni été autant obnubilée par le retour de quelqu'un. C'est comme si une part de moi-même était partie avec lui. Comme s'il avait pris un bout de mon cœur pour tenir la distance, mais que je n'avais pas saisi cette chance en retour.

Mon esprit divague alors que nous traversons la montagne en direction d'Amerald. Les préparatifs pour le départ se sont faits en grande pompe pour un voyage d'un jour et demi avec une escale pour la nuit. Je n'avais aucune idée de ce qu'impliquait un déplacement d'une telle ampleur. Outre les domestiques qui nous ont suivis et selon la procédure habituelle lorsque les souverains se rendent en dehors de leur royaume, un garde personnel leur a été attribué, ainsi qu'à chaque voyageur qui les accompagne.

Il y a tellement d'usages que j'ignore encore et qu'il est nécessaire que j'apprenne. Hélas, une vie entière ne me suffira peut-être pas à tout assimiler. J'ai vingt-et-un ans de retard sur tous les autres.

J'observe d'un œil paresseux le cheval de Toma – le garde aux grands yeux noisette, aux cheveux noirs parsemés de fils blancs malgré son jeune âge et aux pommettes constellées de taches de rousseur assigné à ma sécurité – dépasser le carrosse en trottinant. L'armure de son cavalier a l'air encore plus lourde qu'elle n'y paraît, et là où une lune bleutée orne les capes ocres des gardes à l'intérieur du palais, la sienne arbore un soleil doré éclatant sur fond de ciel nocturne.

Les dernières heures de trajet me semblent interminables. Le silence abreuve l'habitacle de sa pesanteur depuis que nous avons quitté le lieu dans lequel nous nous sommes reposés pour la nuit : un domaine gigantesque qui me rappelait les manoirs perdus dans les forêts enchantées de mes livres pour enfants. Le genre d'endroit où vivrait un homme sous l'effet d'un envoûtement qui ferait de lui un monstre à la tombée de la nuit. Les arbres étaient griffus et les quelques feuilles qui s'y accrochaient encore étaient ternes et presque séchées – comme en plein hiver à Damani. Ce n'est que lorsque nous avons repris la route au petit matin que j'ai réalisé que c'était parce que nous étions au pied de la montagne rocailleuse.

Je ne m'attendais pas à ce que le palais d'Amerald soit aussi proche de celui d'Asteria. On aperçoit au loin la chaîne de montagnes depuis la Capitale des Astres, mais jamais je n'aurais pensé que la Cité des Pierres Précieuses s'y cachait.

Je me tourne en direction d'Hélicie, assise à ma gauche. Ses yeux n'ont pas quitté la fenêtre depuis que nous sommes parties et elle n'a pas ouvert la bouche une seule fois depuis notre départ du palais. Comment le pourrait-elle ? Car nous voyageons avec la comtesse Yzéra et Iréna. Mère et fille conversaient à propos des bals auxquels elles ont participé à la Cité des Pierres Précieuses. Et même si elles se montraient chaleureuses envers moi, je sens toujours la tension qui règne dans l'habitacle. Iréna est toujours contrariée et il semblerait que sa mère ne soit pas plus enchantée qu'elle que son fils se soit intéressé à notre amie.

Asteria : L'Héritage des AstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant