Chapitre 13

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Anaé


Il y a définitivement quelque chose qui cloche avec la reine. Ou son comportement calme et presque... cordial est un stratagème pour mieux me poignarder dans le dos après, ou elle a finalement décidé de se montrer complaisante.

Dans les deux cas, il s'agit d'une combine ingénieuse, parce que je suis tentée de me laisser berner.

Après le désastre du cours d'étiquette, je m'attendais à des remarques cinglantes lancées sur un ton condescendant. Mais elle a évoqué le retour positif de Calathi et m'a même encouragée à poursuivre mes efforts.

Je suis perplexe, tant par la réaction de la reine que par le double-jeu de Calathi, et Dastan le lit sur mon visage parce qu'il me demande à quoi je pense.

— Je n'arrive toujours pas à croire que ma tête est encore sur mes épaules.

Il ricane et m'attrape la main. Nous déambulons dans les jardins comme si ni l'un ni l'autre n'était attendu pour le reste de la journée. Comme si nous avions le temps de flâner à travers les fleurs et les papillons bigarrés.

— C'est plutôt bon signe, non ? Peut-être t'es-tu trompée sur les intentions de Calathi ?

— Dans ce cas, c'est le balai qu'elle a dans le cul qui la rendrait si désagréable ? D'accord, j'en conviens que c'est peu accommodant.

Dastan se fend d'un nouveau ricanement.

— Dans mes souvenirs, elle a toujours été ainsi.

Je hausse un sourcil.

— Tu as eu affaire à elle ?

— Qui crois-tu avoir été désigné par ma mère pour m'apprendre les bonnes manières ?

— Elle te brutalisait avec son bâton, toi aussi ?

Dastan hoche la tête, à ma grande surprise. Si pas même un prince ne l'arrête, je ne donne pas cher de ma peau.

— Raison pour laquelle j'ai très vite appris, glousse-t-il. Mais méfie-toi des apparences, Ana. À la cour du roi, porter un masque est comme un jeu. Et la victoire appartient à celui qui le maintiendra le plus longtemps.

C'est le genre d'information que j'aurais préféré avoir avant de mettre le pied dans ce bourbier. La plupart des Æthéniens que j'ai côtoyés ne s'embarrassent pas de tels procédés, mais peut-être est-ce seulement l'apanage des gens de la haute.

Quel intérêt pour un habitant modeste de dissimuler tout ce qu'il est derrière un faux-semblant ?

— Et toi, tu portes un masque ?

— En permanence.

— Même en ma présence ?

Surtout en ta présence. Tu es la seule à m'avoir connu sous mon vrai jour, je ne peux pas laisser passer cette occasion de te montrer mon côté prince en action.

Il m'adresse un clin d'œil lourd de sens, ce qui m'arrache un rire. Je laisse mon regard vagabonder autour de moi. Nous ne sommes pas les seuls à avoir eu l'idée d'une promenade digestive. De nombreux couples se tiennent par le bras ou la main. Une femme est assise sous un kiosque au toit recouvert de lierres. Elle contemple un homme – son mari, je suppose – faire tournoyer dans les airs un petit garçon qui s'esclaffe de joie. La scène est attendrissante. La femme sourit en regardant les deux hommes de sa vie s'amuser ensemble. L'homme ne perd pas son fils des yeux tandis que l'enfant lève les bras comme s'il s'apprêtait à s'envoler tout en sollicitant le regard de sa mère.

Asteria : L'Héritage des AstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant