Chapitre 15

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Anaé


Le soleil est bien haut dans le ciel lorsque j'ouvre enfin les yeux. La fête s'est prolongée jusqu'à tard. Avec Dastan, nous avons encore dansé, bu et mangé jusqu'au bout de la nuit et nous ne sommes rentrés qu'au petit matin. J'étais dans un état d'euphorie intense. J'ai apprécié chaque seconde de cette nuit.

Je ne sais même pas si Jasmine est venue me réveiller ce matin. Peut-être étais-je trop fatiguée pour l'entendre, ou peut-être s'est-elle dit en me voyant roupiller comme une marmotte que j'avais besoin de dormir davantage.

Je soulève mes couvertures, pose les pieds au sol et les courbatures me prennent dès lors. Je m'étire à m'en rompre les articulations et me dirige vers la salle de bain. Vu l'heure, le petit-déjeuner doit être terminé depuis longtemps. Je me demande si Dastan a su se lever ce matin. Une chose est certaine, je n'échapperai pas aux reproches de la reine.

Elle qui semblait si prompte à faire patte de velours, je lui donne moi-même le bâton pour me faire battre.

Après avoir fait mes ablutions, je me dirige vers ma commode. Mais en chemin, mon regard est attiré par un petit plateau doré disposé sur mon bureau. Sous une cloche se trouve une assiette garnie de deux biscuits sucrés et de tranches de fruits frais. Juste à côté, une tasse et une théière en porcelaine, et coincée sous l'assiette, une petite feuille pliée en deux. Je l'ouvre et découvre un mot à l'écriture soignée :

« Pour vous hydrater après avoir bavé toute cette nuit. »

Je m'essuie par réflexe en poursuivant la lecture :

« Mais si l'eau est froide, vous ne pourrez vous en prendre qu'à vous-même. »

J'hésite entre châtier Jasmine ou l'adorer pour sa hardiesse. La balance penche plus pour le deuxième point.

Avec un petit sourire, je pioche un biscuit et le fourre dans ma bouche avant de me diriger vers ma commode. Il me faut une tenue confortable et adaptée pour pouvoir tirer à l'arc. J'attrape mon pantalon brun cintré et une chemise blanche tout ce qu'il y a de plus simple. Je noue une ceinture en cuir autour de ma taille et enfile ma longue paire de bottes marron.

Je termine mon petit-déjeuner par ma tasse de thé. L'eau est tiède – ce qui n'est pas pour me déplaire.

Si la reine aime s'ébouillanter avec son thé fumant, ce n'est pas du tout mon cas.

Je m'avance vers mon miroir et me tresse les cheveux afin qu'ils ne me gênent pas pendant ma séance de tir. Le reflet que la glace me renvoie est à l'image de qui je suis – de qui j'ai toujours été – la Anaé curieuse et déterminée à parcourir le continent en long, en large et en travers.

Alors pourquoi est-ce que quelques nuances de déception me donnent l'impression de ternir cette image que j'ai toujours arborée ? Que j'ai toujours aimé arborer ?

Je tourne les talons et quitte ma chambre sans laisser cette question s'enraciner dans mon esprit.

Le couloir est inondé de lumière. La matinée est déjà bien avancée. À cette heure-ci, on croise beaucoup plus de monde, et tous sans exception laissent couler un regard à la fois abasourdi et répugné sur ma tenue. Je pense avoir compris qu'il n'est pas coutume pour une femme de porter un pantalon. Dans ce cas, j'instaurerai cette mode.

Je ne compte plus le nombre de personnes ayant détaillé mes vêtements sur ma route, mais j'arrive enfin à ma destination, alertée par des bruits lointains. Les deux terrains d'entraînement sont investis. Un premier groupe s'exerce à manier l'épée sur les mannequins d'acier et de paille. Le deuxième s'entraîne au tir.

Asteria : L'Héritage des AstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant