Chapitre 7

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Dastan


Sous un gigantesque kiosque entremêlé de voiles de soie et de guirlandes de fleurs, se tiennent mes parents. Mon père discute avec Alistar Elderi, son second – dont la ressemblance avec son fils me frappe comme si je la remarquais pour la première fois. Il pourrait s'agir du portrait exact de mon ami dans quelques années : une barbe grisonnante sur un teint doré. Ma mère, quant à elle, suit de ses yeux verts chaque mets déposé sur la table par les serviteurs.

J'ose un regard en direction d'Anaé. Son visage est détendu, mais la vitesse de sa respiration traduit son appréhension. Je serre sa main dans la mienne pour attirer son attention. Elle tourne la tête et je lui souris pour tenter de la rassurer. Ses lèvres se retroussent brièvement jusqu'à ce que ma mère prenne la parole :

— Dastan, vous voilà enfin ! J'ai cru que vous ne viendriez jamais.

— Pardonnez-nous, mère. J'avais à m'entretenir avec ma future épouse.

— Cela ira pour cette fois. Je soupçonne cet écart de conduite découler de ton récent éloignement de la cour. Néanmoins, j'ose espérer que tu retrouveras tes manières dans les plus brefs délais. Dois-je te rappeler que tu es prince ?

— Je tâcherai de me souvenir des convenances, n'en soyez plus inquiétée, lui assuré-je après un soupir intérieur.

— Anaé, ma chère ! s'exclame mon père, ayant visiblement terminé sa conversation. Vous êtes éblouissante ! J'espère que vous ne manquez de rien dans vos appartements.

— Merci, Votre Majesté. Tout est parfait.

— Fort bien. Installez-vous, je vous en prie. Nous allions commencer à déjeuner, n'est-ce pas ma reine ?

Mon père désigne deux chaises de sa main ornée de bagues. La reine ne daigne pas répondre à son mari, le regard vissé sur moi.

— Comment as-tu trouvé le banquet, mon fils ? s'enquiert-elle. T'a-t-il plu ?

— C'est toujours aussi pompeux que dans mes souvenirs...

Elle hausse un sourcil roux.

— ... Raison pour laquelle il m'a plu.

Un coin de ses lèvres se retrousse.

Les derniers plats arrivent. De nombreux plateaux jonchent la grande table de verre recouverte par une nappe blanche en dentelle. Fruits, pâtisseries en tous genres, toast grillés. Ma mère n'a pas fait les choses à moitié – comme à son habitude. Un serviteur s'approche pour nous verser du thé.

— Servez-vous donc, mes enfants, annonce le roi. Prenez tout ce qui vous ferait plaisir.

J'avais presque oublié ce qu'était un petit-déjeuner en compagnie de ma famille – un gueuleton opulent avec des plats à outrance. Je sais cependant qu'aucune nourriture ne sera gaspillée – ce qui n'a pas été touché servant souvent de repas aux domestiques ou envoyés au village pour sustenter les plus nécessiteux. Mon ventre se met à gargouiller en silence malgré moi. J'attrape une tartelette aux mûres ainsi que quelques fruits frais. Anaé est la seule à ne pas s'être encore servie. Je la surprends à observer chacun de mes gestes avec attention afin de les reproduire avec exactitude. Je ris intérieurement, non pas pour me moquer, mais parce que je la trouve tellement mignonne.

Anaé n'a toujours pas touché à sa tasse de thé. Je vois son regard faire des allers-retours entre sa tasse et le sucre, puis entre la cuillère à café et la cuillère à dessert. Lorsque ses yeux azur se posent sur moi, je lui signifie du petit doigt le bon ustensile. Sa bouche s'arrondit lorsqu'elle comprend. Je lui adresse un clin d'œil et découvre, en redressant la tête, ma mère, qui n'a pas perdu une miette de ce qu'il vient de se passer.

Asteria : L'Héritage des AstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant