Asteria : L'Héritage des Astres

Chapitre 36

Dastan

Après cinq jours de négociations avec Amerald, le roi Uldaric a finalement accepté de nous céder son prisonnier, le temps pour moi de l'interroger, à la Capitale des Astres. L'arrivée du cortège pénitentiaire est imminente, et les minutes qui défilent mettent ma patience à rude épreuve.

Escorté par une dizaine de gardes selon les informations glanées par Caleb, mon espion, le détenu séjournera entre les barreaux de notre prison pendant une semaine, après quoi nous avons obligation de le renvoyer dans les cachots de la Cité des Pierres Précieuses.

Une semaine pour lui soutirer le maximum d'informations, pour comprendre ces motivations - et celles de son commanditaire. Car je refuse de croire que ses intentions proviennent d'une illumination divine.

La dernière fois que cette prison a été utilisée remonte à quinze ans maintenant, occupée naguère par le courtisan qui a déshonoré Yvelta, le temps de son jugement. Puis il a été renvoyé à Valarès pour purger sa peine. À part cet épisode, les geôles n'ont plus connu de détenus depuis des décennies. Les guerres appartiennent au passé, et la paix règne depuis à Asteria. Une autre prison a été construite plus au sud du pays pour les criminels notoires, même s'ils sont peu nombreux.

Un carrosse fait son apparition au bout de la grande allée, beaucoup trop luxueux pour être le transport du meurtrier. Il s'arrête devant nous et Jin en sort, un air inquiet peint sur le visage.

— Majesté, Altesse, nous salue-t-il d'une révérence.

— Je ne pensais pas vous revoir de sitôt, ambassadeur, lui annonce le roi. Je croyais que vous deviez profiter de votre famille.

— L'ambiance est très étrange au palais d'Amerald en ce moment. J'ai profité de l'escorte pour revenir à Asteria.

— Où est le prisonnier ? demandé-je.

— Il ne devrait plus tarder.

Jin m'adresse un signe de tête. Nous nous éloignons de mon père de quelques pas.

— Comment va-t-elle ?

— Elle se remet petit à petit. Le médecin doit passer cet après-midi pour faire un point sur ses blessures.

Il pose une main sur mon épaule.

— Et toi, comment te sens-tu ?

Je prends une inspiration frémissante.

— J'ai connu des jours meilleurs.

Ses doigts se resserrent autant sur mon épaule que ses lèvres en un sourire contrit.

— Elle va s'en sortir. Elle est forte.

Je hoche la tête malgré ma moue. Je n'ai aucun doute sur le courage et la volonté qui anime Anaé - qui l'animait, tout du moins. Pour autant, je crains qu'elle ne soit pas encore sortie d'affaire.

— Je te serai éternellement reconnaissant pour ce que tu as fait pour elle, là-bas.

Jin secoue la tête, l'air toujours aussi grave. Il s'apprête à répondre quand des bruits de sabots foulant le sol m'incitent à me retourner. Le voilà enfin. L'agresseur d'Anaé. La raison de ses blessures et de ses cauchemars. Et le motif de ma colère.

La porte de la voiture s'ouvre devant moi, évacuant deux gardes en livrée du roi Uldaric. Puis vient le tour du prisonnier, dont les pieds et les mains sont liés par de longues chaînes. Je remarque immédiatement que trois doigts de sa main gauche sont bandés. Son visage est couvert par un sac en toile, ce qui provoque la curiosité de mon père.