Chapitre 11

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Anaé


Je sursaute à ce ton péremptoire et fais volte-face. Une femme au chignon tiré à quatre épingles d'un blond strié de filaments d'argents me dévisage, un sourcil levé. Elle se tient droite comme un piquet, les mains derrière le dos, le menton bien haut et le regard hautain.

Madame Calathi, présumé-je.

— La règle est de toujours arriver à l'heure. Et la bonne heure est toujours celle de Ses Majestés.

Au même moment, le clocher chante l'heure. Pour la première bonne impression, c'est raté.

Décidément, ça devient une habitude.

— Je suis confuse, je pensais que l'on pouvait attendre dans la salle.

— Vous devez être Anaé Despedia, la... demoiselle ramenée par Son Altesse.

— C'est exact, acquiescé-je en me focalisant sur le fait qu'elle ait choisi le mot le moins insultant pour me décrire.

— Mon nom est Rebecca Calathi, et vous vous apprêtez à participer à mon cours. Puis-je espérer de vous tous les efforts dus à votre condition ?

Elle est forte en insultes habilement tournées, je dois bien le lui accorder – ce qui lui fait un point commun avec la reine.

— Oui, madame.

Elle me toise un instant de ses yeux couleur de boue avant d'avancer de quelques pas pour ouvrir la voie aux jeunes filles qui se tiennent derrière elle.

— Veuillez vous installer, mesdemoiselles, indique-t-elle les tables lui faisant face de sa main blanche.

Ses gestes sont empreints d'une grâce éthérée. Ses épaules sont toujours si adroitement alignées, comme si une force invisible appuyait dessus sans s'arrêter. Même son port de tête ne bouge pas d'un millimètre. J'ai des sueurs froides rien qu'en la regardant. Les petites filles se succèdent les unes les autres en direction des places libres. Aucune d'entre elles ne cille en croisant mon regard. Me voilà devenue la cancre de service. Ce cours promet.

Je me dirige avec toute la délicatesse que je possède vers une table. Je m'assois sans faire de vagues, comme je l'ai déjà fait devant le roi et la reine alors que le regard perçant de Madame Calathi s'accroche à moi. Je n'y prête pas attention et pose mes deux mains sur la table.

Un bruit sec et tonitruant me fait sursauter. Un bâton en bois se tient à quelques millimètres de mes mains tremblantes. Je n'ai même pas vu Calathi le brandir. Elle fronce les sourcils et secoue la tête. Toutes les petites filles se tournent dans ma direction.

Je la regarde, ahurie – et un peu effrayée.

— Ne jamais poser vos mains sur la table, ordonne la professeure sur un ton à refroidir le pays entier. Elles doivent être dissimulées jusqu'au moment où vous avez besoin de les utiliser.

Huit paires d'yeux sont dirigées vers moi. Je peine à déglutir. Je voudrais pouvoir me terrer dans le sol.

— Si cela peut vous consoler, nous avons toutes remarqué le présent du prince à votre égard. Il n'est plus nécessaire d'en faire l'étalage.

Ses yeux s'orientent furtivement sur ma bague. Je croise à présent les mains sur mes cuisses, sous les ricanements de la salle entière. Mon sang bout à l'intérieur de mes veines. Je me mords la langue pour m'empêcher de riposter et me tords les doigts pour me retenir de toutes leur lancer un geste obscène. Ce n'est surtout pas le moment d'être grossière et puérile.

Asteria : L'Héritage des AstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant