Chapitre 10

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Anaé


Pour une fois depuis ces deux derniers jours, j'ai dormi comme un loir. J'étais si profondément endormie que je n'ai pas entendu Jasmine entrer dans ma chambre. Elle a dû secouer mon épaule pour que je sorte de mon sommeil.

Après l'avoir congédiée pour le reste de la matinée, je cherche une robe facile à enfiler dans les armoires. Elle paraissait peu convaincue de me laisser m'en sortir seule, mais il faut bien que j'apprenne à me déplacer par moi-même, non ?

Peut-être même que je m'égarerai encore devant cette pièce mystérieuse dans laquelle ma curiosité me pousse à entrer.

Je choisis une robe taupe aux manches bouffantes, légèrement drapée au niveau de la taille. J'enfile des pantoufles de la même couleur et brosse mes cheveux pour les discipliner. Je passe deux pinces ornées de pierres neutres de chaque côté de ma tête pour remonter quelques mèches avant de quitter ma chambre d'un pas déterminé.

Le petit-déjeuner a lieu au même endroit qu'hier. Le kiosque joliment décoré est cependant bien vide. Seule la reine est assise autour de la table. Je n'aperçois ni le roi, ni Dastan. Je souhaite faire des efforts, mais ma détermination s'émiette à chaque pas qui me rapproche d'elle. Je masque le chaos ambiant, le menton relevé et le dos bien droit, et la salue. Elle m'adresse à peine la parole lorsqu'elle me montre mon siège. Une domestique se tient à côté d'elle, de splendides étoffes turquoise, parme et vermillon à la main. La reine touche à tout, grimace devant certaines couleurs en faisant quelques commentaires âpres.

— Ce sont de très beaux tissus, annoncé-je en feignant de m'y intéresser.

Je me sers une tartelette au citron dans mon assiette et arrête d'espérer une réponse de sa part quand elle dit :

— Ils ne sont pas assez somptueux.

Son ton sonne différemment. Il reste ferme, mais est dépourvu de toute méchanceté. Rien à voir celui d'hier.

— À quoi serviront-ils ?

— Ces étoffes serviront à la décoration de votre mariage. Elles le devaient, tout du moins.

Je manque de m'étouffer avec mon morceau de tarte. Elle pose un œil investigateur sur moi.

— Que croyez-vous ? Les préparatifs ont d'ores et déjà commencé. C'est à moi qu'incombe la tâche d'en faire un évènement mémorable. Il s'agit tout de même des noces de mon fils unique. Tout doit être exceptionnel.

Je coule un regard sur sa main gauche, tentant d'apercevoir le fameux tatouage autour de son annulaire évoqué par Dastan la veille. Mais son doigt s'avère dénué de trace, et de bijou – à ma grande surprise. Je savais bien qu'il s'agissait d'une plaisanterie. Je veux bien commencer à croire que la terre d'Asteria est magique, mais ça s'arrête à là.

— Gardez-les, s'adresse-t-elle à la domestique. Nous les utiliserons pour le bal de la semaine prochaine.

J'en avais presque oublié cette histoire de bal. Ses paroles acérées me retombent dessus comme une pluie acide. Je fais tout mon possible pour les repousser dans un coin de mon esprit et me reconcentre sur l'instant présent.

La domestique reprend ses tissus et nous laisse seules. Je continue ma dégustation tandis que la reine se contente de son thé. Sa tasse est d'un raffinement comme je n'ai jamais vu auparavant. Un fin liseré doré cercle la porcelaine blanche intacte, parsemée çà et là de fleurs en aquarelle vive.

— Le roi et le prince ne nous feront pas honneur ce matin, dit-elle, interrompant ma contemplation. Un conseil matinal les retient. Préparez-vous à ce que cela se reproduise maintes fois. La gouvernance royale est un combat de tous les instants.

Asteria : L'Héritage des AstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant