Chapitre 4

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La proie.

Puis, la nuit était passée. C'était comme l'un de ces soirs totalement normaux, comme si rien ne me déboussolait 24 heures sur 24 depuis son arrivée dans ma vie. Son envahissement, ses jeux étranges, sa façon de s'adresser à moi...rien n'était laissé au hasard, et pourtant je me perdais peu à peu à l'intérieur de ce jeu sans fin. Plus rien ne me répondait, et je me sentais incapable de réfléchir à autre chose qu'à lui. J'avais donc consacré mon temps à imaginer sa visite du jour qui suivrait celle-ci, à créer les meilleures questions à poser et les bonnes prononciations à adopter. Tout devait être parfait pour qu'il s'en aille, que ce soit de mon appartement ou de mon quotidien. Le tout devait être planifié dans les moindres détails pour que je puisse l'avoir à l'usure, mais j'avais extrêmement peur de me prendre à ma propre partie.
C'est ainsi que j'avais fini par fermer l'œil à trois heures trente environ, avec comme dernière pensée le fait que je m'habituais déjà à sa présence, malgré toute ma haine envers lui. C'était vraiment étrange, car à chaque fois que je pensais à cet homme, une rage folle m'envahissait, mais une fois que son corps se trouvait face au mien, tout n'était plus que vide et néant. Plus aucune colère. Aucune répulsion. Le néant, comme toujours.

Le réveil avait alors été très dur, et les cours de ma journée ont servis à réfléchir, encore et toujours à ma situation. Parfois, dans les cas comme maintenant, je suis vraiment heureuse d'aller à la faculté. Cela rend ma vie plus réelle, comme si cet homme n'allait pas revenir.

Mais n'est-ce pas ce que je souhaite, au fond ?

Je chasse avec colère cette idée et me replonge dans ma prise de notes, plutôt maigre aujourd'hui. Cette fin de matinée avait été relativement bénéfique, il fallait se l'avouer -au moins, il n'était pas dans les parages-. La fin du cours de 14 heures sonnée, je me dirige vers Mathilde, une personne extrêmement intelligente et douce que j'ai rencontrée à un gros travail de groupe lors de l'année précédente. Elle est élève modèle et on se complète assez bien, nous nous parlons de temps à autre et nous avons déjà mangé ensemble, mais je ne peux pas affirmer que nous sommes amies à cause du manque de proximité lié à nos vies respectives, ce qui est plutôt dommage, même si cela m'arrange car je n'ai pas à agrandir mon cercle de connaissances. Mon côté introverti prend toujours le dessus sur le reste, ce qui me fait parfois rater de belles occasions, je l'avoue.

- Salut Mathilde ! je l'interpelle dans le couloir alors que ses beaux cheveux châtains brillent sous le néon. Je suis un peu gênée de te demander ça, mais je ne me sens pas très bien. Est-ce que je pourrais prendre ton cours en photo ? Si ça te dérange, ne t'en fais pas je comprends totalement. ma voix conclut dans un souffle.

Je suis mal à l'aise de lui demander cela, car j'ai toujours l'impression de passer pour une profiteuse qui ne lui parle que pour les études et ses avantages. Or, je l'appréciais vraiment, mais je détestais faire de telles choses.

- Mais Aylin ! elle s'exclame avec entrain. Je t'en prie, en plus je te l'ai déjà dit ! Ne sois vraiment pas angoissée de demander ça, je t'adore vraiment et ça ne me pose aucun problème.

Je lui souris tandis qu'un magnifique rictus trône sur son joli visage, puis prends sa prise de notes en photo lorsqu'elle me la sort de son sac. Nous finissons par nous asseoir pour le reste de la journée l'une à côté de l'autre, et cela me fait beaucoup de bien, à vrai dire. A part Annaelle, je n'ai pas une vie sociale développée, contrairement aux jeunes de mon âge, mais c'est une pure question de volonté. Je n'en veux pas vraiment une, alors je ne peux pas me plaindre, car je suis très bien comme ça malgré le fait que me vie n'est pas très palpitante.
J'avais d'autres amies au lycée, mais elles n'étaient pas nombreuses et plutôt sans grand lien avec moi, en plus du fait qu'elles ont toutes déménagées pour leur université, et la plupart du temps loin d'ici. J'ai eu la chance d'avoir ma faculté juste à côté de mon appartement, même si je l'avais spécialement choisie pour sa localisation et ses professeurs réputés comme excellents. Sans oublier que mes parents non plus ne sont pas loin, et ma meilleure amie à seulement quelques rues de moi, alors que demander de plus ? Une vie sociale plus forte ne me plairait sûrement pas, en fin de compte, même si au fond je sais qu'avoir cette sociabilité si basse n'est pas vraiment quelque chose de positif pour moi.

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