Chapitre 12

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La proie.

Annaelle se trouve devant moi et me parle de son professeur de littérature anglaise.
Enfin, je crois, car ma tête est tellement en vrac que c'est à peine si j'arrive à tenir une conversation depuis les derniers évènements.

- Et puis devine quoi... Il me dit que je n'écoute rien en cours et que je ne devrais pas m'étonner d'avoir des sept. Tu ne trouves pas ça délirant, toi ? Quel connard !

Je rigole à sa phrase, et l'espace d'un instant, j'en oublie presque la calamité à laquelle se résume ma vie.
Presque.
Elle a l'air remonté, et c'est le moins que l'on puisse dire, alors je rassemble toutes mes forces pour la soulager dans son mal-être.

- Écoute... Il y a plein de professeurs comme ça, malheureusement. Fais avec juste pour cette année et après tu en auras un autre. je réponds avec un sourire compatissant.

- Tu fais bien de le dire, puisque je l'ai encore l'année prochaine ! Ils ont décidé de faire les programmes en deux ans avec les mêmes cons !

Cette fois-ci, j'éclate de rire pour de bon. Je préfère en rire plutôt qu'en pleurer, puisque l'un ou l'autre ne changera rien dans ma vie, ni dans la sienne. Peut-être bien que sa situation est pire que la mienne, après tout... Finalement, essayer de la consoler n'était peut-être pas la meilleure solution. Nous nous trouvons actuellement au Golden, et ma collègue nous sert une bière et un Fanta, notre commande habituelle qui apparait devant nous.
Cela me fait du bien de la retrouver, de rigoler avec elle alors que les cours nous submergent chaque jour.

- Et toi alors ? Tout est bien dans ta vie ? Quoi de neuf depuis quelques jours ? elle me dit sur un ton humoristique, et c'est comme si ma mère me parlait.


Il faut dire que, parfois -et surtout par manque de maturité-, ma meilleure amie et moi adorons imiter les femmes âgées de la quarantaine et leurs habitudes, en sachant que nous finirons dans le même état.

- Demain réunion tupperware prévue, comme chaque semaine Nathalie ! j'enchaîne avec un sourire qui cache mon fou-rire.

Elle pouffe alors et je la suis de près. Aucune haine envers les Nathalie, sincèrement. Pendant quelques dizaines de minutes, nous nous racontons respectivement les ragots entendus dans la ville et dans nos facultés respectives. L'avantage d'être une scientifique et d'avoir une meilleure amie littéraire ? Deux fois plus d'histoires à savoir, et il faut aussi avouer que même si je suis très introvertie, le fait qu'elle me raconte tant de choses me permet aussi de m'ouvrir sur beaucoup de sujets.

- Oh, et puis aussi, un gars en sociologie m'a envoyé un message pour me demander les cours, donc je lui ai envoyé, mais il a dit que mes cours n'étaient pas clairs. Un con de plus...

- Ennemies to lovers ? je réponds, à la limite de m'étouffer avec toute ma boisson la seconde après avoir ingurgité une gorgée.

- Oh arrête ! Il n'est vraiment pas mon style.

- Alors dis-moi ton style. je lâche avec un autre sourire.

- Je te déteste.

Elle descend sa bière en une traite, et nous terminons notre discussion par un échange sur nos parents respectifs. Malheureusement, l'horloge finit par tourner et nous sommes forcées de nous arrêter, même si cela fait plus d'une heure que nous sommes ici.

Quelques secondes après cela, nous nous saluons avec un signe de la main et nous voilà déjà reparties vers nos habitations un moment plus tard. Sur le chemin, juste avant de nous séparer, je pense de nouveau à lui dire, pour North et moi.
A vrai dire, j'en brûle d'envie. Elle sait tout de moi, je ne lui ai jamais rien caché et ne lui ai menti sur aucun sujet, alors...
Mais je la regarde, et sais d'avance qu'elle trouverait toute cette liaison bien trop dangereuse pour moi et mon cœur fragile. Je me ravise donc, et me voilà à la regarder s'éloigner dans la pénombre. D'un autre côté, je me dois aussi de la protéger, et ne pas l'informer la laisse comme une inconnue dans cette histoire.

Mais...la protéger de quoi ?
De qui ?


Je choisis alors la route qui amène le plus rapidement à mon chez-moi, et décide de lire une histoire sur mon téléphone pour éviter de trop ressasser ce à quoi je n'aime pas penser.
L'après.

Ma gorge pousse un long soupir en franchissant ma porte, et je suis essoufflée après quatre étages de marches interminables. Après avoir posé mon manteau et mon écharpe, je me dirige directement vers le réfrigérateur, affamée au possible. Un yaourt et un morceau de brioche plus tard, je fixe ma bibliothèque, dans mes pensées. Mes livres sont vraiment beaux, et heureusement qu'ils me permettent un peu de répit dans cette vie rude.
J'acquiesce à ma propre phrase et me débarrasse de la miette traînant au coin de ma bouche, avant de me rendre dans la salle de bains pour me laver. Revoir cette même pièce un jour après les actions de la veille me fait bizarre, car jamais je n'avais vu mon lieu de vie de cette manière. Il l'a envahi.

Face au lavabo après m'être déshabillée, je saisis les produits dont j'aurai besoin pour cette douche. En me faufilant sous le jet d'eau, une chaleur agréable se répand dans mon estomac quand je contemple une boîte déposée dans un coin de l'espace.
Sa boîte.

Avant, j'aurais eu peur.
Très peur.

Mais ici et maintenant, mon cœur se gorge de joie et mes jambes tremblent d'appréhension.
Je me souviens encore de la première boîte que j'ai reçue. Le souvenir revient dans ma mémoire, et un sourire déforme mes lèvres. Mon corps s'approche et ma main attrape le cube de taille moyenne de manière presque automatique, appréhendant le contenu. Du sang ? Une tête coupée ? De la lingerie ?

A quoi aurais-je droit aujourd'hui ?
Toutes sortes d'idées me passent par la tête, mais c'est avec une surprise totale que je découvre une clef USB. Mes sourcils se froncent et je cherche un mot qui pourrait m'éclairer dans la boîte. Cependant, après n'avoir rien trouvé, je me rembrunis et me dirige vite vers mon ordinateur portable en sortant précipitamment de la cabine. Le souffle qui s'accélère, je relie le document numérique au PC et reste bouchée-bée devant l'icône s'affichant devant moi.
Une vidéo.
Le logo orange avec le bouton « PLAY » s'affichent devant moi, et c'est avec une désorientation grandissante que je valide le commencent du document.

Un frisson me parcourt de la tête aux pieds.
C'est moi.
C'est lui.

C'est nous.
Je suis accrochée à lui comme à la vie, et je l'embrasse à pleine bouche. Ses bras me reviennent juste en dessous de mes fesses, et mes mains fouillent ses cheveux, pour redescendre sur son torse et ses bras musclés. Rougissant comme une tomate, je fais pause quelques secondes. Je remarque alors que le bouton du son est barré, alors j'active la sonorité.
En réactivant la lecture, la première chose que j'entends est un gémissement.
Le mien.
La honte s'empare de moi, mais je laisse la vidéo continuer. A vrai dire, je me pense incapable de la stopper une nouvelle fois. Il me dévore, me consume et me goûte durant toute la durée que je visionne, et je suis tout aussi dévouée que lui. Je n'avais jamais embrassé quelqu'un de la sorte, et l'envie de revivre ce moment afflue en moi.

Lorsque la vidéo prend fin, et je me retrouve devant mon ordinateur, rouge et gênée. Je ne peux pas dire que je n'aime pas ça. J'ai adoré l'embrasser, et j'ai aimé nous regarder faire.
Mon cœur reprend un rythme cardiaque approximativement correct et me voilà à refermer le PC. Passant une main sur mon front, je saisis mon téléphone et me fige une nouvelle fois en quelques minutes.

North.

Il y a une minute.


Tu es si belle quand
tu rougis, mon cœur.

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