Chapitre 6

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La proie.

Difficilement, je tente de rassembler mes idées en vrac avec une compote échouée devant moi, pas encore entamée. Cela fait maintenant plus de vingt minutes que je suis face à elle, mais rien ni personne ne semble vouloir me faire sortir de ma rumination éternelle. Tout revenait toujours au point de départ, tout tournait toujours autour de ce quotidien maintenant insupportable et autour de lui. Vous imaginez bien que, faible comme je le suis, j'avais tourné et tourné sur moi-même dans mon appartement pendant des minutes entières en me demandant pourquoi il était parti aussi vite.
Je n'ai pas vraiment l'impression d'avoir fait quelque chose de mal, mais une pensée négative semble s'être définitivement installée en moi pour de bon. Certes, j'avais refusé de l'embrasser, mais je ne crois pas que c'était pour cette raison qu'il s'était volatilisé d'un coup. Ou alors c'est juste mon esprit psychotique qui ne se stoppe jamais, et cette impression est de toute façon loin d'être fondée.

Alors, je continue de marcher dans mon appartement en me posant mille et une questions. Toute cette situation est épuisante, mais je crève d'envie qu'il revienne encore et encore, pour m'enlever un peu plus de sommeil à chaque passage. Lorsque nous nous voyons, lui et moi, la communication est mauvaise, et elle ne change jamais. Finalement, je ne sais même pas ce qu'il souhaite réellement, si ce n'est une partie de moi que j'ignore.
Mais que veut-il dire par ses mots plus flous à chaque phrase prononcée ?
A-t-il même des sentiments pour moi ?

Non, cela me paraitrait bien trop précipité. C'est si...tôt. Cependant, dans les études que j'ai lues sur les stalkers, certains tombent éperdument amoureux des femmes qu'ils suivent jours et nuits en un rien de temps, tandis que d'autres n'éprouvent que du désir charnel qui m'effraie au plus haut point. Certains ne cherchent que du sexe car la personne en face d'eux représentent leurs plus grands fantasmes, et ils sont prêts à tout pour les obtenir.
D'autres sont extrêmement dangereux, mais apparemment ce n'est pas le cas de tous, et cela a été prouvé par des chiffres.

J'espère seulement que North n'est pas comme eux, même si ce n'est pas l'impression qu'il me donne. Il a l'air...presque normal sur les bords, mais parfois je n'arrive vraiment pas à décrypter ses intentions ou émotions envers moi.

Il est simplement là, mais le problème est le fait qu'il est toujours là, qu'il le soit vraiment ou non.
Je m'enfonce.

*

Mes draps doux et soyeux m'avaient alors accueilli après une autre heure de questionnement sur lui, et je ne me rappelle que de mon plan de la face cylindrique de mon immeuble en tant que souvenir réel à mon réveil.

Aujourd'hui, nous sommes dimanche et je vais voir mes parents pour la première fois de la semaine. J'espère simplement que cela me changera les idées et que cet homme sortira enfin de ma tête pendant quelques heures, même si au fond, je n'y crois pas. Je n'y crois plus.

Je me prépare alors et m'habille de façon classique avec une chemise bleu clair et un jean simple, en plus de mes baskets habituelles crème. Mes cils à la limite de la couleur blanche ne se font pas recouvrir de mascara aujourd'hui, ce qui reste en accord avec mes cheveux. Ils ont beau avoir foncé avec le temps, beaucoup de personnes me demandent toujours si je ne suis pas albinos, et cela me fait sourire autant que grimacer. Les enfants se moquaient de ma chevelure blanche lorsque j'étais petite, et maintenant mon blond non plus ne passe pas inaperçu. Merci papa pour tes yeux clairs -tout de même loin du blanc- et maman pour tes magnifiques cheveux également.
Parfois, je me questionne sur le fait que je puisse être attirante aux yeux d'une personne pleine de mélanine et de couleur, mais c'est souvent eux qui me complimentent le plus. Mon cerveau n'oubliera jamais le fait que j'ai été nommée « ange » par une femme en Turquie lors de nos vacances dans les terres de mon père. La Lune reste cependant mon surnom préféré grâce à lui.
Je balaie joyeusement cette pensée nostalgique de ma tête et me coiffe d'un chignon décoiffé avec quelques mèches qui en retombent pour ne pas paraître trop solennelle, pour enfin partir de chez moi en fin de matinée en claquant férocement ma porte derrière moi. J'accepte, certes, mais je n'oublie pas.

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