Chapitre 23

4.8K 201 22
                                    

Tétanisée, je me retourne lentement pour me retrouver face à son...meurtrier.
En rencontrant ses yeux sombres, je ne peux me résoudre à penser comme à mon habitude, c'est à dire normalement.

- Rosa ! C'était pas volontaire ! Tu vois bien que c'est une hypothermie, ça a même été dit ! Merde...je suis désolé.

Peu à peu, les mots entrent dans mes oreilles et prennent une signification.
Mon esprit recommence à tourner dans le bon sens, et je semble pouvoir cligner des yeux à nouveau.
Voyant cela, il s'approche de moi et m'entoure de ses bras fermes et musclés au possible.
Comme à mon habitude, je devrais me décaler, lui hurler dessus.
Je devrais.
La plénitude s'empare de moi quand sa chaleur intègre mon corps. Ce sentiment m'est bien connu grâce à lui, mais je sais pertinemment que ce n'est pas normal.
Mais je n'y peux rien.
Biensur que si, idiote.
Rectification : je n'y peux plus rien.
Le mal a déjà été fait et mes sentiments sont dirigés vers lui depuis trop longtemps. Aucun retour en arrière n'est possible, ni même envisageable.
Je lui appartiens.
Suis toute à lui.
Et le pire dans tout ça ?
Je ne sens aucune haine envers son acte.
Seulement de la frayeur.
Mais pas parce qu'il l'a tué, non... Parce qu'il a tué pour moi. North est devenu un criminel uniquement pour me protéger. Tuer est une chose courante dans son métier, voire totalement normale. Mais là, ici, sur ce trottoir, tout était bien différent de ses devoirs militaires.

North m'a protéger coûte que coûte.
Son...meurtre ne semble pas volontaire, cependant. En analysant ses iris et son air déconcerté, je comprends une nouvelle chose : il ne regrette rien.
A aucun moment, une once de regret passe dans ce voile si sombre que son visage représente.
Il semble inquiet, certes, mais sans être égocentrique, j'observe vite qu'il m'inspecte sous toutes les coutures.

- Merde ! Dis quelque chose ! hurle-t-il.

La fureur prend le dessus sur ses émotions, et je vois qu'il pense que je le déteste.
Mais pour de vrai, cette fois.
Or, ce n'est pas le cas.
C'est même très loin d'être ce que je ressens.

- Merci, North. Merci pour tout. dis-je d'une voix faible.

Son visage se plonge alors dans mon cou, et la seconde d'après, je comprends qu'il s'est installé là, debout, dans mes bras et mon cou.
Sorti du contexte, on dirait un enfant qui se réconforte dans les bras de sa mère.
En repensant de nouveau à ses yeux et à la lueur qu'il reflétaient, je finis par comprendre qu'il avait bien cru me perdre, et pour de bon.
Lui passant la main dans ses cheveux rasés, je le sens se détendre immédiatement. Toute la pression accumulée dans ses épaules s'évacue instantanément, et d'un coup son corps me paraît beaucoup plus léger.
Comme si il était libéré.
Libéré de ma potentielle haine envers lui.

- Tu m'as sauvé, North. Et tu as beau l'avoir tué...je n'arrive pas à t'en vouloir. Je ne sais même pas comment c'est possible, mais c'est le cas.

En lui parlant sur ce ton toujours rassurant, je me rends compte de ce que j'affirme.
Je n'arrive pas à t'en vouloir d'avoir tué.
Suis-je devenue complètement folle ?
Évidemment.
Je souris, car cela ne m'atteint plus du tout. Peu à peu, je me fais à lui et me sens me transformer.
Avant, si une telle chose s'était produite, j'aurais foncé à la police et tout balancé, lâche que je suis. Mais là...tout est si différent. Il est différent. Spécial.
A mon avis, l'égoïsme me gagne. C'est vrai, qu'est-ce que me ferait ressentir le fait de me retrouver face au cadavre de Jules ?
Absolument rien.
Cette homme voulait me violer et me l'a d'ailleurs ouvertement dit, sans même le suggérer implicitement. Non, ce garçon se croyait tout permis et pensait me prendre mon corps sans mon consentement.
Dommage, il avait oublié un détail.
J'avais un stalker.
Un agresseur.
Un sauveur.
Et ce fait lui aura coûté la vie.
A combien d'autres femmes aurait-il fait subir cela ?
Un frisson me parcourt l'échine alors que l'image d'un viol traverse mon esprit. En effet, il est mieux là où il réside.
Et cela vaudra pour toujours, à présent :
Jules est mort.

STALKEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant