STALKER

Chapitre 28

Je réecris une nouvelle fois l'équation notée à la craie sur le tableau, barrant ma précédente écriture.
Si le diiode intervient, alors pourquoi de l'eau est-elle formée, bon sang ?
Je souffle avant d'essayer de me reconcentrer, chose qui, je le sais pertinemment, est peine perdue.
Ce cours de chimie -malgré sa complexité-, n'arrive pas à me faire oublier la veille. Rien n'y arriverait, en fait.

Je me souviens m'être reveillée par un réveil qui n'était pas le mien, en plus de me trouver dans des bras chauds comme de la braise et musclés au possible. J'avais vite attrapé mes couleurs familières quand j'avais compris que, oui, je me trouvais dans le lit de cet homme, dans sa maison et dans son quotidien.
Je me souviens aussi m'être retournée pour lui faire face, et suis tombée sur deux perles vertes comme les sapins en hiver. Surprise de voir qu'il ne dormait plus depuis apparemment longtemps, vu l'air attentif et détendu qui s'affichait sur son visage, je lui avais souris et déposé un petit baiser sur la joue. C'était un petit bisous. Un chaste, pur et tout simplement inexplicablement palpitant.
Non, il n'avait pas été de ceux que l'on avait échangés le jour précédent, mais il représentait beaucoup.

Ce n'était pas dans mes habitudes d'entreprendre, et encore moins avec les hommes.
Encore moins avec cet homme.
Mais voilà, lorsque j'avais remarqué l'effet de mes actions sur lui il y a quelques temps, j'avais ressenti des palpitations dans tout mon corps. Voir qu'un homme réagit à la puissance mille juste parce que vous lui avez souri ou touché la main...oui, c'est magique.
Complètement hors du temps.

Alors oui, j'apprends peu à peu à toucher North. A le comprendre entièrement.
Même si cet homme reste énigmatique au possible, je sais au fond qu'il a beaucoup de points faibles que je peux exploiter pour le connaître de plus en plus. Au début, quand cette hypothèse était prévue, c'était pour le dénoncer à la police une fois que cette histoire serait finie.
Mais maintenant...
A présent, tout a changé.
Absolument tout.
A ce jour, je le touche pour mon plaisir personnel. Je l'épie et retiens chaque détail de son visage, de son corps.
De son âme.
Comment lui dire qu'il a changé ma vie tout entière ?

Alors, je n'avais pas prononcé un seul mot à notre réveil. Mon corps s'était seulement poussé du lit après avoir touché sa peau de mes lèvres, avait marché jusqu'à la salle de bains et était entré dans la douche une fois mis à nu.
Je n'avais même pas fermé la porte à clef, en y repensant.
Chose que je faisais même chez moi, parfois.
Non, je ne l'avais pas fermé, tout simplement parce que j'avais une confiance aveugle en lui. Étant très pudique, jamais je n'aurais cru laisser une porte déverrouillée alors que je me trouvais, sans aucun vêtement, dans la pièce même.

Il n'était jamais entré.

-

"Eh Rosa ! On va recevoir nos notes d'exam de maths ! Je flippe vraiment, c'est la merde !"

Mathilde me fixe alors pendant de longues secondes, stressée, paniquée et complètement hystérique à l'idée de voir sa copie.
Oui, cet examen que nous avions passé, il y a quoi, deux ou trois semaines, était déjà corrigé.
J'inspirais profondément à mon tour, n'ayant pas envie de me laisser emporter par l'angoisse de ma voisine.
Par pitié, faites que j'ai réussi.

En effet, cet examen était crucial pour le futur de l'année. Rattrapable, certes, mais il n'en restait pas moins presque existentiel.
Je me souviens avoir tellement travaillé, tellement donné pour cela.
Mais je me souviens aussi avoir été déconcentrée. En effet, la période de ce contrôle gigantesque date belle et bien de mes péripéties avec North.
Non, en fait, ma rencontre avec lui provient de beaucoup plus loin, mais c'était sans compter ses agissements qui ont vite occupés mon esprit.
La totalité de mon esprit.
Oui, à cette époque, cet homme prenait déjà toute la place dans ma tête influençable. Alors, j'avais très peur de ma note.