Avant d'avoir avec moi le petit moment d'intimité que vous désirez sans doute en lisant cette section, accordez-moi un instant. Ma conscience me tourmentera si je ne gratifie pas ici, de manière non exhaustive, les personnes qui ont concouru je l'estime, à la rédaction de ce livre. Commencer par remercier Dieu, si c'était quelque chose que je faisais auparavant, ne se fera plus. Car le Dieu auquel je crois, n'a rien à faire des honneurs dans le genre.
Alors, je peux au moins remercier des humains, des humains défunts tout d'abord. Merci à mon ascendance, ces hommes, ces femmes qui m'ont précédé, qui m'ont inspiré ce récit. À mes deux grands-mères, à celle que je n'ai pas connue, mais dont l'audace dans son rôle d'épouse et de mère m'a été racontée. À celle dont je profite encore, vertueuse, sobre, mais aussi ferme et audacieuse.
Merci à ma famille si grande, à Papa pour cette origine qu'il m'a léguée. Pour la tribu à laquelle je me sens aujourd'hui appartenir et qui me soutient elle aussi, j'imagine. Pour les quelques mots en Yémba qui figurent dans ce livre et qu'il m'a donnés sans savoir ce que j'allais en faire. À Maman, pour tous ces séjours dans son village à elle, auquel j'appartiens aussi. Pour ses réponses minutieuses à mes questions sur la tradition, sur les coutumes, les rites. Pour la plus belle chose qu'elle ait pu me transmettre en dehors de la moitié de ses gènes : l'amour des lettres.
À Iannetha ma sœur aînée, avec qui les rapports ont souvent été tumultueux, qui m'a inspiré le personnage de Miriam et sa relation avec Mona. J'espère qu'elle ne m'en voudra pas trop. À Fiona ma sœur cadette dont le départ précoce du cocon familial, n'entravera pas je le souhaite, tout l'amour qui nous unit, et dont la passion pour le sport m'a inspiré ce trait de personnalité chez Mona.
À Mamie O qui m'a inspiré le personnage de Mamie Mado. Pour cette houleuse discussion sur le culte des ancêtres menée avec ma sœur et ma mère, dont elle ne se souvient peut-être pas, mais qui m'a tant marqué. Pour toutes ses connaissances sur la tradition gardées en elle, et qui n'hésitent pas à sortir quand on lui pose les bonnes questions.
À Tonton Sylvain «le cœur sur la main», dont je sais le soutien grand. À la famille Kamaha de Douala et de la diaspora, dont les récits de voyage, récits d'une vie hors du continent ont entretenu longtemps l'idée de ce livre.
À deux enseignants qui ont profondément marqué mes années de lycée, mais aussi ma manière de raisonner aujourd'hui : À Monsieur SALEKE pour ses ambitions kamites et panafricanistes, pour son érudition et sa curiosité, pour tous les livres qu'il a pus m'offrir, tous les conseils prodigués, tous ses savoirs gracieusement partagés, toutes les critiques acerbes qui ont recadré ma plume d'élève-journaliste et celle d'écrivaine en herbe par la même occasion.
À Monsieur EKE pour sa grande sagesse, son argumentaire infaillible et sa répartie que je n'égalerais jamais. Pour ce «cours magistral» sur la spiritualité que je ne suis pas prête d'oublier. Pour m'avoir montré le fossé qui me séparait de mes ancêtres et de chez moi, pour m'avoir transmis son amour pour la culture sans lequel je n'aurais jamais écrit ce livre. Pour m'avoir encouragé sans le savoir sur le chemin de la remise en question. Pour m'avoir amené tant de fois à me questionner, à débattre et à surtout écouter pendant ces cours. Merci à tous les deux pour toutes ces choses que je ne peux toutes énumérer ici.À Bryann Fotsing mon grand ami, pour les réponses enthousiastes à mes questions sur l'émigration et sur la vie d'un adolescent africain en Occident. Nos échanges sur le sujet datent d'il y a longtemps, et pourtant ils m'ont été si utiles.
À Tata Corinne, pour tous ces matins et ces après-midis à refaire le monde dans le salon de mes grands-parents. Pour ses interviews improvisées autour de ce livre, pour ses recadrages bienveillants, pour son attention particulière et plus récemment, pour ses réponses à mes questions sur sa vie dans l'autre continent.
À Tata Laure, figure féminine importante de ma jeune existence, pour nos «comités» jusqu'à l'aube, pour mon nom de plume aussi, dans lequel je peine encore à me reconnaitre. À Stacy sa fille, pour l'illustration en couverture de ce livre. Jamais de ma vie, je n'ai été aussi bien comprise qu'avec ce dessin.
À mon aîné Luc Mouafo, pour la longue discussion autour de la remise en question et de la religion qu'il m'avait accordée. Pour toutes nos autres conversations dont je sors toujours plus grande. Pour toutes ces choses qu'il voit en moi, pour celles dont il me croit capable, pour ses conseils notés avec soin à l'arrière de la porte de ma chambre.
À ma petite bande d'amis pour toutes ces histoires partagées à la sortie des classes, sous le soleil de l'après-midi. Pour tous ces «kongossas» échangés sur les bancs, pour leurs opinions différentes, qui ont fait de moi la grande gueule que je suis. À mon répertoire d'amis et de connaissances, pour avoir augmenté d'une manière que je ne pourrais jamais vraiment estimer, la visibilité de ce livre.
Enfin, un remerciement spécial aux œuvres d'art qui suivent et à leurs auteurs, pour avoir allumé, attisé ou ravivé la flamme à l'origine de ce livre : L'illusion du masque de Wilfried Mwenye, L'Afrique Noire Précoloniale de Cheikh Anta Diop, Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire, L'identité négro-africaine de Fabien Eboussi Boulaga, L'autre langue des femmes de Léonora Miano, Peaux Noires, Masques Blancs de Frantz Fanon, La magie chez les Noirs de Pierre Fontaine, La fille des marais, film adapté du roman Là où chantent les écrevisses de Délia Owens, Mami Wata, le Mystère d'Ivez, série télévisée de Samantha Biffot et Marco Tchicot, Par une nuit sans mémoire de Nora Roberts, Six ans déjà d'Harlan Coben, L'attentat de Yasmina Khadra... Bref, je n'écris jamais un livre seule. Celui-ci encore moins.
Si vous êtes encore là, pardon de vous avoir fait attendre. J'accomplissais un devoir moral. Maintenant, asseyons-nous un peu à l'écart et discutons. Oui, discutons parce que nous le méritons bien. Le chemin a été long jusqu'ici. Attendez que je vous fasse un peu de place près de moi. Voilà.
Si vous lisez les notes d'auteur telles que je le fais souvent moi aussi, alors vous devez vous attendre à ce que je me justifie, m'explique sur les choix faits tout au long de l'écriture de ce livre. Mieux, vous espérez que je me fasse pardonner pour la fin que je viens de vous offrir. Elle est tragique, je sais. Seriez-vous déçus si je vous avouais que je n'ai rien à dire pour ma défense ?
J'aime les livres pour deux raisons fondamentales. Deux raisons essentielles. Deux raisons pour lesquelles je lis et écris moi-même des livres. Parce qu'ils permettent de se poser des questions, et parce qu'ils permettent de trouver des réponses. Pour les réponses, ce n'est jamais sûr, surtout pour les bonnes. Mais pour les questions, soyez sans crainte, il y en aura toujours.
J'ai écrit Le Masque Ensanglanté parce que je me posais des questions. Des questions sur les traditions, le village, la culture. Des questions sur l'Afrique, les Blancs, les Noirs, l'Occident. Des questions sur les hommes, sur les femmes, sur l'enfance. Et vouloir écrire sur ces sujets m'a permise de lire, de poser des questions, de chercher mes réponses, d'en trouver certaines, d'en réfuter d'autres. Si avec Les Tréfonds de L'âme, j'ai guéri, avec Le Masque Ensanglanté, j'ai appris, j'ai grandi.
Cette histoire a sa part de vérité, sa part de mensonge, d'ignorance, d'arrogance. Elle n'est pas parfaite, elle est même incomplète. Mais c'est un début de réponse. À quelle question ? La question du poids du passé sur l'avenir, la question du devenir de nos traditions, la question de la transmission, de l'héritage, de celui que l'on garde tout au fond de nos cœurs, de nos mémoires. Et surtout à une question essentielle : Comment réagir lorsque la vie nous fait mal ?
Ça en fait plus d'une je sais, et vous avez sans doute trouvé d'autres questions que ce livre soulève. Il faudra trouver les réponses ailleurs, si je ne les ai pas toutes données. Ici, se trouve seulement «ma part de vérité». Je me suis posée une question, il y avait une infinité de réponses. J'en ai choisi une et j'en ai fait un livre. Il faudra d'autres livres, d'autres auteurs pour toutes y répondre. C'est là un travail inachevé. J'en suis étrangement rassurée.
Nolwen Kamaha, Juillet 2024.
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Le Masque Ensanglanté
Bí ẩn / Giật gân«Grand-mère est morte, il faut que tu rentres.» Il n'a pas fallu en entendre plus pour que Mona Lisa fasse ses valises et se décide à rentrer au terroir, après trois années passées sur le Vieux Continent. Le Cameroun qu'elle retrouve à son arrivé...