Elle sanglotait toujours, la poitrine s'élevant brusquement toutes les trois secondes, comme c'est le cas lorsqu'on a trop pleuré. Ses lèvres tremblotaient. C'était tellement pertubant de voir Miriam dans cet état. Nous passions notre temps à nous éviter soigneusement, mais je me rendais compte à l'instant que je n'étais pas insensible à sa douleur. Cela me fendait le cœur. À cet instant précis, j'aurais tout fait pour ne plus la voir pleurer. C'était ma sœur, bon gré mal gré.
Mais je savais aussi qu'il ne fallait pas la brusquer. Ma sœur ne s'ouvrait que très rarement à moi. Et elle ne le faisait jamais quand je le lui demandais. Toutes les fois où ma sœur m'avait avoué quelque chose la concernant au cours de sa vie, elle l'avait fait de manière inattendue. Et cette nuit aussi, je ne lui avais pas demandé de me rejoindre dans ma chambre. Elle était venue de son propre chef, elle se confierait d'elle-même. Et elle ne tarda pas.
— Quand je t'ai entendu parler avec maman... Parler d'un enfant... J'ai pensé que vous parliez de moi... J'ai pensé que tu avais découvert... Ce qui s'est passé quand j'étais au lycée.
Ses phrases s'entrecroupaient à cause des sanglots. Je me félicitais d'avoir éloigné le drap d'elle. Je craignais trop qu'il lui prenne l'envie de se bâillonner à nouveau.
— Non, je n'ai pas découvert ce qui s'est passé, la rassurai-je comme si je savais déjà de quoi elle parlait.
— J'aurais préféré que tu ne saches jamais.
Ma sœur était décidément incompréhensible. Elle voulait s'ouvrir à moi, je le voyais bien, mais elle avait ces petites phrases mordantes qu'elle lâchait, et qui me ralentissait dans ma volonté de me rapprocher d'elle. Comme si la part la Miriam de tous les jours, la Miriam impassible et froide refaisait surface dans des moments de faiblesse pour censurer, retenir la Miriam sensible qui voulait se révéler au monde.
— Mais je suis fatiguée de mentir, de dissimuler, de cacher. Je suis venue cette nuit parce que je sais que si je ne t'en parle pas tout de suite, je ne t'en parlerais plus jamais. Demain, je serais redevenue moi-même, mais rien que pour cette nuit, je veux enfreindre les règles.
Nous nous assîmes en tailleur dans le lit, l'une en face de l'autre. Miriam agit alors comme maman quelques heures auparavant. Son regard se tourna vers la fenêtre de ma chambre qui donnait sur la maison voisine, et un peu loin sur une rue sombre où filaient à toute allure quelques rares voitures à cette heure de la nuit. Nous ne pouvions pas les voir bien-sûr, à cause des murs et des toitures, mais nous les entendions fendre l'air. C'était d'ailleurs le seul bruit que l'on percevait encore dehors.
— Je faisais Première. Lui aussi. Mais nos séries différaient, scientifique pour lui, littéraire pour moi. Il était arrivé l'année d'avant, mais était déjà très populaire. Il faisait partie d'une bande de mecs cools et frimeurs. Des beaux gosses qui le savent très bien et qui ne s'en excusent pas. Parce qu'ils savent qu'ils sont exactement ce qu'ils croient être. Mais lui n'était pas comme cela, il était différent. J'ai voulu le croire.
— Qui ça ?
— Desmond. Desmond Ewane. Jamais je n'oublierais ce nom. Tu n'imagines pas le nombre de fois que j'ai pensé m'appeler un jour madame Ewane. Et mes copines n'arrêtaient pas de me taquiner avec ça, du temps où nous étions encore ensemble lui et moi. Et quand je voulais jouer l'autoritaire, je l'appelais aussi par ce nom.
— Je comprends... Tu es sorti avec ce gars ?
— Oui et pas seulement. Je sais que pour la plupart des gens, les relations amoureuses sur les bancs sont sans lendemain, et elles le sont vraiment la plupart du temps. Mais je croyais être une exception, tant j'ai aimé ce garçon. Et je pèse mes mots Mona, je l'ai aimé. Tu sais ce que c'est ?
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Le Masque Ensanglanté
Mystery / Thriller«Grand-mère est morte, il faut que tu rentres.» Il n'a pas fallu en entendre plus pour que Mona Lisa fasse ses valises et se décide à rentrer au terroir, après trois années passées sur le Vieux Continent. Le Cameroun qu'elle retrouve à son arrivé...