CHAPITRE XVII : CHRYSALIDE

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Nous dépassons un portail noir et écaillé par la rouille, après de vives salutations échangées avec les gardiens à la guérite. Um a l'air dans son élément. Qui n'y serait pas en retournant dans son ancien lycée ? Le lycée de l'adolescence, des premiers amours, des grandes déceptions, des réussites applaudies, des échecs et des critiques, des jeux et de la jeunesse, des crises et de la détresse. Le lycée que l'on quitte entre joie et peine à la sortie des résultats du baccalauréat. Le lycée auquel on repensera avec nostalgie, une fois que l'université nous aura montré ses travers.

Le lycée classique de Dschang suit un modèle architectural inédit. Le terrain est occupé d'une façon plus ou moins circulaire, avec des classes à la peinture jaunâtre et aux toits de fer qui se déroulent sur tout le pourtour. Au milieu de ce cercle formé de salles de classes, un bâtiment bicolore avec un escalier central s'offre à la vue dès que vous avez traversé le portail.

En tournant la tête à droite tel que je l'ai moi-même fait au début, on a droit qu'à la vue d'une petite rangée de bureaux, le provisorat, l'économat, le secrétariat, le censorat et tout en bas, l'infirmerie. Pourtant c'est à gauche qu'il faut regarder. C'est là que se trouve l'essence de tous les établissements scolaires du monde. C'est à gauche que vous trouverez les milliers de lycée dans des salles de classe qui s'étalent tout le long de la colline sur laquelle le lycée est construit. Et lorsque la colline s'achève, les salles continuent de se dérouler dans la continuité d'un cercle. Malgré les irrégularités du relief, c'est un bel ensemble qui commence et finit avec les bureaux administratifs.

Le lycée compte des milliers d'élèves venus de tout le département de la Menoua, voire des départements voisins. En nous dirigeant vers le bâtiment administratif, on entend ces milliers de petites voix qui murmurent dans leurs salles de classe aux heures de cours. Ce n'est heureusement pas encore la récréation. Au cas contraire, nous nous ferions piétiner par des élèves assoiffés de liberté, après quatre heures passées assis à écouter des adultes leur parler.

Nous atteignons une véranda meublée de bancs, mais Um m'indique de continuer droit devant moi. Nous empruntons un petit couloir sombre qui mène à quatre bureaux différents. Les noms et postes de leurs occupants sont mentionnés sur les portes. Nous nous arrêtons devant la porte du Censeur Kaze Senghor, en charge des classes de Premières et Terminales littéraires. Il est aussi écrit de toquer, d'entrer et de refermer derrière soi. Et c'est exactement ce que nous faisons.

Le monsieur qu'Um et moi saluons en entrant dans l'office étroite, est vêtu d'une chemise blanche au-dessus de laquelle est enfilé un gilet en pagne Ndop. Au vu des couleurs ternes du pagne et de l'épaisseur du tissu, je comprends que c'est de l'authentique, du vrai. Pas une de ces copies criardes et colorées, vulgarisées dans les marchés de Douala.

Il est installé derrière un bureau couvert de paperasse, de trombones et de notes. Les angles sont occupés par un minuscule poste radio, une boîte à stylos, un calendrier et un cadre photo. En souriant, l'hôte nous renvoie d'une voix toussotante je notre salutation et nous invite à occuper les deux sièges en face de lui. Il tourne légèrement vers nous le petit ventilateur alors braqué sur lui, tâte les documents posés en désordre devant lui, comme s'il voulait en réduire le volume.

J'observe longtemps ses bras longs, ses mains fines décorées sur l'annulaire gauche d'une alliance et ses ongles propres. Puis, ce visage long, ce crâne entièrement rasé pour mieux se conformer à la calvitie. Et ces yeux tendres derrière des lunettes carrées et son buste plat. Pas besoin de le voir debout pour se rendre compte que c'est là un homme élancé, bien en point.

Avant d'entamer la conversation, le censeur baisse lentement le volume de la radio où passe mon morceau préféré du groupe folklorique Bamiléké Takam 2. Je me retiens bien de fredonner et laisse Um parler le premier.

Le Masque Ensanglanté Où les histoires vivent. Découvrez maintenant