Chapitre 23

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Les deux gardes à l'entrée du manoir les dévisagèrent d'un air peu avenant, les laissant ouvrir la lourde porte d'entrée eux-mêmes. Eva les insulta à voix basse en entrant dans le hall à la décoration si particulière, propre au Baron.

« Un dernier conseil, lança-t-elle en se penchant vers Landon. Ne lui parle pas de sa déco, c'est un sujet sensible. »

Elle sentit le regard de Landon se poser sur elle, l'observant avec insistance.

« Je trouve ça surréaliste, souffla-t-il, la légèreté avec laquelle tu parles du Baron. On nous apprend à quel point il règne avec terreur sur les Bas-Fonds et toi tu parles de lui comme s'il s'agissait du premier venu. »

Elle haussa les épaules, le guidant dans les couloirs jusqu'au bureau qu'elle connaissait un peu trop bien.

« On parle d'un homme qui a changé mes couches. »

Les yeux de Landon s'agrandirent davantage, amusant Evangéline.

« Vraiment ?

–Mama m'a dit qu'il l'avait fait une fois, pour tester. Il soutient que non. Personnellement je crois Mama. »

Il s'apprêtait à lui répondre lorsqu'elle lui fit signe de se taire, s'arrêtant devant une porte bien particulière. Dans le bois étaient gravés une myriade de serpent s'enroulant les uns autour des autres.

Eva prit une grande inspiration. Une chance sur deux, c'était ce qu'ils avaient. C'est en décidant de voir le verre à moitié plein qu'elle posa la main sur la poignée et ouvrit la porte.

Le vestibule était toujours aussi étrange, avec ces objets aussi uniques qu'affreux. Le genre d'objets qu'un collectionneur pourrait avoir chez lui. Que Charles de Bossak aurait pu posséder.

Prise d'une hésitation, elle balaya rapidement la pièce du regard, à la recherche d'un objet rond qui aurait pu se trouver dans la bibliothèque du bureau de Charles. En vain. Elle secoua la tête. C'était stupide de penser que le Baron allait laisser un indice aussi évident à sa vue.

De l'autre côté de la pièce, la porte menant au bureau s'ouvrit sur un garde tatoué sur le front. Il ne leur accorda pas un mot, seulement un signe de tête avant de disparaître. Evangéline resta immobile un instant, les yeux rivés sur la porte entre-ouverte. Landon se rapprocha, elle le sentit hésiter dans son dos. Son cœur battait la chamade. Elle n'appréciait jamais rentrer dans ce bureau, aujourd'hui ce sentiment était bien pire.

Mais elle se fit violence et entra.

Au début, elle crut que la pièce était vide. Personne ne siégeait devant le bureau, si sur le canapé en cuir. Mais le Baron était bien là, dos à eux, regardant à travers une large fenêtre. D'ordinaire, les rideaux étaient fermés, pour ne rien laisser de visible depuis l'extérieur. Mais il les avait tirés, volontairement. Et il jouait avec un étrange objet, qu'elle ne réussit pas à bien voir.

Derrière elle, Landon cessa de respirer. Il l'avait vu, lui aussi. Aucun Écarlate n'avait jamais rencontré le Baron, personne là-haut ne savait à quoi il ressemblait. Peu de monde dans les Bas-Fonds également, à vrai dire. Il était rare qu'il se montre en public, terré dans sa demeure au Marché Noir.

Il en aurait des choses à raconter, lorsque leur Promesse du Sang sera brisée.

« Je me demandais combien de temps tu comptais encore courir, petite souris.

–Suffisamment pour me préparer à fuir tes hommes. »

Il rit doucement, d'un rire froid, sans joie.

« Tu arrives encore à être insolente après tout ce que tu as fait. »

Il posa son objet sur le meuble devant lui et se retourna. Eva ne pu identifier ce qu'il tenait. Le regard dur du Baron s'accrocha au sien. Elle releva le menton et serra les mâchoires. Elle ne se laisserait pas impressionner.

La Cité de SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant