Chapitre 14

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Evangéline ne pouvait s'empêcher d'admirer le paysage en passant dans les rues de la Haute Cité. Les bâtiments couleur crème étaient si hauts qu'elle craignait de se tordre le cou à chaque fois. Sur certains bâtiments publics, des engrenages tournaient et faisaient tantôt marcher une horloge géante, tantôt des mécanismes tournant sur eux-mêmes, représentant les enseignes des magasins.

Le bruit des engrenages était atténué par les bavardages et les rires des passants. Habillés de beaux vêtements colorés et excentriques, ils donnaient de la vie aux rues. Les dames portaient des robes à la circonférence improbable, des chapeaux à plume, des jupes à froufrous et des corsets aux motifs variés. Des fleurs, des oiseaux, des formes plus abstraites, tout y passait. Et les hommes n'étaient pas moins habillés. Des costumes bariolés, avec tout autant de motifs, des cannes assorties, monocles dorés, de bronze ou d'argent, de hauts chapeaux de forme et des chaussures à talons pour certains.

Si c'était la manière de s'habiller de ces gens au quotidien, elle n'imaginait même pas ce qu'on pouvait voir lors des réceptions.

Sauf que ces gens la regardaient étrangement, avec ses cheveux à peine coiffés, son corset et sa jupe aux couleurs ternes et sa chemise en lin blanc. Les gens savaient qu'elle n'avait rien à faire ici et ils parlaient. Elle les voyait. Cachés derrière leurs éventails et leurs mouchoirs.

Landon saluait ceux qui les approchaient de plus près, tout en gardant un œil attentif sur Eva.

Ils finirent par quitter l'effervescence du centre-ville pour se déplacer dans des rues moins fréquentées, jusqu'à arriver au pied du mur. Evangéline s'arrêta un instant et l'admira. De ce côté-ci, la pierre n'était pas tâchée de sang, de graffitis ni d'urine. Elle était impeccable, à l'image du reste de la Haute Cité.

Des Écarlates patrouillaient en haut mais ne regardait jamais en direction des quartiers riches, seulement vers les Bas-Fonds. D'autres étaient stationnés devant la grille. Un semblant de caserne, portant le blason de la division de la Haute Cité, se tenait tout proche.

Les gardes effectuèrent un signe militaire à l'approche de Landon, tout en jetant un regard mauvais en direction d'Eva.

« Major. Vous ramenez un mouton perdu dans son enclos ? »

Evangéline sortit immédiatement de sa rêverie. Elle s'apprêtait à lui lancer une réplique cinglante mais Landon fut plus rapide.

« Elle est sous ma protection, fit-il. Je vous prierai de lui accorder le respect que vous lui devez en conséquence. »

Eva fronça les sourcils. Elle n'appréciait définitivement pas la tournure de sa phrase.

« Nous avons besoin de nous rendre dans les bas-fonds, continua Landon d'un ton strict.

–Seulement... vous deux ? Major Avilliers, la règle stipule qu'au minimum deux soldats doivent...

–Nous sommes deux, répliqua Evangéline. Alors maintenant ouvrez cette porte ou je vous y oblige. »

Il lui lança un regard noir avant de se tourner vers l'imposant mécanisme qui semblait contrôler la lourde grille doublée d'une porte en métal blindé. Les engrenages se mirent à tourner tout autour de la porte dont les verrous s'ouvrèrent les uns après les autres.

À sa gauche, Landon se redressa, passa un doigt derrière le col de son manteau et posa une main sur la poignée de son épée. Comme s'il s'attendait à ce qu'une horde de gens débarquent depuis l'autre côté.

En fait, ils s'y attendaient tous. Des soldats étaient sortis de la caserne, prêts à dégainer leurs armes et à faire feu si quelqu'un des Bas-Fonds tentait de s'approcher.

La Cité de SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant