Chapitre 4

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« Un autre pour la demoiselle ! »

Evangéline venait de terminer son second verre et d'en demander un troisième. Dans un peu plus d'une heure, elle allait monter sur une arène et perdre son combat. C'était la cinquième fois que Raul le lui demandait. Elle combattait depuis ses quatorze ans et n'avait perdu que quatre combats. Et une cinquième défaite allait s'ajouter à cette liste humiliante.

Alors elle préférait boire. Boire pour oublier que sa réputation prendrait un coup. Oublier qu'elle devait ployer le genou devant un gars qu'elle pourrait battre en quelques minutes seulement. Oublier que les spectateurs s'en souviendront. Et aussi pour pouvoir mettre sa défaite sur le dos de l'alcool.

Elle ne voulait en rien se souvenir de cette nuit.

Le barman poussa son verre rempli de l'alcool le plus fort – et le plus immonde – qu'il avait en réserve et elle le but d'une traite, sous les regards médusés des autres clients et des serveurs. Aucun d'eux n'aurait pensé, en voyant cette gamine de vingt-et-un ans débarquer dans le bar avec son joli corset et sa jupe fleurie, qu'elle aurait une si bonne descente. Et ça la faisait rire.

Elle frappa le comptoir du plat de ses mains et se leva du tabouret. Elle commençait à avoir chaud mais surtout, elle était en retard.

« T'en prends pas un autre, petite ? Lança le client à côté d'elle.

–J'en aurais bien pris un autre si vous saviez rivaliser avec moi, répliqua-t-elle. »

Le barman lâcha un rire gras.

« Reviens quand tu veux, ma porte est ouverte ! »

Elle balaya ses paroles du revers de la main et se dirigea vers la porte, manquant de tomber en cognant contre un serveur. Elle marmonna un pardon un peu dans le vague et continua son chemin.

Arrivée dehors, l'odeur d'eau croupie provenant du Lizon lui donna un haut-le-cœur. Elle en fit abstraction et prit la route jusqu'à l'entrée des arènes, non loin de là. Elle fit le chemin machinalement, ses jambes connaissant le trajet par cœur. De toute façon, elle n'était pas en état de réfléchir. Et tant mieux.

Elle activa la porte dissimulée et s'inséra dans le couloir. Des hommes de Raul étaient déjà là, à monter la garde. Ils la saluèrent au passage mais elle les ignora complètement, se tenant aux parois de la galerie pour marcher relativement droit. De là lui parvenaient déjà les acclamations du public qui encourageaient les participants qui étaient en train de combattre. Mais elle savait qu'ils réservaient une grande excitation pour le combat qui arrivait.

Descendre jusque dans les arènes fut un enfer. La boisson qu'elle avait but était définitivement trop forte et lui montait à la tête. Sans doute aurait-elle dû prendre quelque chose de plus sobre, elle aurait au moins évité l'humiliation de bousculer toutes les personnes qu'elle croisait.

« Regarde où tu vas gamine ! »

« Qu'est-ce que tu fais-là toi ? Les femmes n'ont pas leur place dans cet endroit. »

« Tu vas rapidement te faire virer d'ici, espèce d'ivrogne. »

S'ils savaient qu'ils étaient en train de pester sur la combattante qu'ils allaient bientôt aduler. Si son esprit n'avait pas été autant embrouillé, elle se serait sûrement moquée d'eux.

Elle passa près de l'arène où l'un des combattant plaqua l'autre au sol. Elle tourna rapidement la tête, croisa le regard d'une personne qu'elle pensait être Aroll, mais sa vision était tellement troublée qu'elle eut un doute, puis fila en direction des loges.

Elle claqua sa porte derrière elle et s'effondra sur le vieux canapé troué en geignant.

« Wow. Alors là, je crois que c'est bien la première fois que je te vois dans un état aussi pitoyable. »

La Cité de SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant