Evangéline avait passé les trois derniers jours à tourner en rond dans la caserne, comme un animal sauvage enfermé dans une cage.
Landon avait eu une interdiction formelle de sortir pendant ces trois jours, durant lesquels il voyait le médecin le matin et l'après-midi. Ce qu'Evangéline trouvait stupide parce que la magie du sang avait fait son travail et la blessure ne risquait pas de s'ouvrir. Mama l'avait guérie de nombreuses fois ainsi, elle le savait bien. Mais on aurait dit que ce médecin avait une peur bleue de perdre la grand Major Avilliers.
L'après-midi du deuxième jour, elle avait décidé de fouiller à nouveau dans la bibliothèque de la caserne, dans l'espoir que des livres qu'ils n'aient pas déjà consultés soit apparus comme par magie. C'était stupide d'avoir de l'espoir, ça ne rendait la chute que plus douloureuse.
Elle avait fini par squatter le rayonnage des romances, la partie préférée de Landon, et avait commencé à lire le premier livre qu'elle avait trouvé. Et à chaque page qu'elle tournait, elle se demandait pourquoi des soldats avaient besoin de livres à l'eau de rose chez eux.
Landon avait débarqué au bout d'un moment, en panique. Elle n'avait même pas pris la peine de lever le nez de son bouquin, absorbée par l'histoire.
« Bon sang, Evangéline, tu aurais pu prévenir quelqu'un que tu étais ici, ça fait une heure que je te cherche ! Il est bientôt minuit ! »
Elle avait levé la main pour le faire taire, continuant sa lecture.
« Attends, il vient de remarquer que l'héroïne est blessée. Je crois qu'il va défoncer la gueule de tout le monde. Oh ! Un bisou ! »
Comme une enfant, elle avait souri bêtement en se balançant, excitée par la tournure des évènements.
« Et c'est pas un petit bisou, je crois qu'ils vont finir à poil. Ah, bah ça... »
Landon lui avait arraché le livre des mains et elle avait crié de frustration.
« Si tu veux le lire il va falloir attendre ton tour, joli cœur.
Elle avait tenté de lui reprendre le livre des mains mais il l'avait empêché. Alors pour le faire craquer, elle s'était mise à réciter la scène obscène qu'elle venait de lire.
Mais ce petit moment de complicité lui paraissait bien loin, maintenant. Allongée dans le carré d'herbe du minuscule jardin de la caserne, les pieds en l'air reposant sur le seul banc, elle regardait les nuages passer en soupirant régulièrement.
Evangéline se sentait envahie par l'ennui et l'impatience. Les journées s'étiraient comme des élastiques usés, et chaque seconde semblait un supplice. Elle ne cessait de se demander comment Landon avait pu vivre toute sa vie dans cet endroit, sans distraction, toujours rattaché à un devoir stupide.
Elle soupira une énième fois et tenta d'occuper son esprit, qui vacilla vers Mama. Elle se demandait si elle lui manquait, si elle s'inquiétait pour elle. Peut-être que le Baron lui avait rendu visite depuis leur discussion, et qu'il avait tenté de retourner Rose contre elle. Ou pire, il avait sans doute essayé de la rallier à sa cause en prétendant qu'elle était retenue par les Écarlates. Ce qui n'était pas tout à fait faux, à bien y réfléchir.
Une ombre s'attarda autour d'elle et l'empêchait de continuer à observer le ciel. Un ombre portant une couleur qu'elle connaissait bien.
« Tiens, tiens, tu as remis ton manteau cramoisi, lança-t-elle en levant les yeux vers un Landon qui semblait essayer de retenir un sourire. Pourquoi ça ?
–Parce que je suis de nouveau autorisé à sortir. »
Ni une, ni deux, Eva se redressa, presque trop rapidement car elle manqua de se prendre les pieds dans ses jupes. Landon la rattrapa juste à temps pour l'empêcher de trébucher. Un léger sourire taquin apparut sur son visage.
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La Cité de Sang
FantasyComment prouver son innocence dans la Cité du sang ? Evangéline rêve de racheter sa liberté et de quitter cette vie qu'elle déteste. Mais la Cité de Sang n'offre que peu de possibilités aux personnes comme elle. Contrainte de se battre lors de comb...