Chapitre 32

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EVANGELINE


Evangéline n'avait pas quitté le lit ce matin-là. Elle n'avait pas réagi lorsque Landon avait essayé de la réveiller ou l'avait informé de ce qu'il ferait ce jour-là. Elle n'avait pas non plus bougé lorsque Isobel était entrée et avait déposé un plateau de nourriture sur le bureau, après que Landon le lui ait demandé. Et elle n'avait pas répondu lorsque Micah était venu prendre de ses nouvelles, restant sagement dans le couloir.

Elle avait fixé le mur toute la journée, les yeux rouges à force d'avoir pleuré et une affreuse migraine tambourinant son crâne. Elle n'avait pas réussi à dormir, son esprit étant occupé à la trahir en lui rappelant toutes les fois où elle avait été avec Aroll.

Leur rencontre dans les arènes lorsqu'elle avait dix-sept ans, cette soirée où ils avaient découvert leurs visages sans les masques, leur première fois ensemble et toutes les fois qui avaient suivies, cette nuit où elle l'avait emmené dans l'un de ses endroits préférés sur les toits, et où ils se retrouvaient régulièrement.

Elle s'en voulait terriblement d'avoir laissé son cœur ressentir quelque chose pour lui, alors même qu'ils avaient été clairs tous les deux. Elle pensait pouvoir passer outre, ne pas s'attacher comme elle se l'était promis. Mais elle avait échoué. Son cœur venait d'être brisé pour la seconde fois.

Mais elle était surtout en colère. Sans qu'elle ne puisse l'expliquer, elle avait envie de hurler. Rien n'allait dans sa vie. Elle avait un rêve qu'elle ne pourrait jamais réaliser, devait résoudre une enquête dont elle ne comprenait rien, serait exécutée dans quelques semaines pour meurtre et utilisation mensongère d'une loi. Elle avait fait tout ça pour rien.

Evangéline demeura allongée, repliée sur elle-même, les pensées tumultueuses tourbillonnant dans son esprit. La pièce était plongée dans une semi-obscurité, les rideaux tirés pour préserver l'intimité de sa douleur. Les heures s'écoulaient sans qu'elle ne prenne conscience du temps qui passait, son regard fixé sur le mur comme si elle espérait y trouver une réponse à toutes ses questions.

Les souvenirs avec Aroll la hantaient, s'entremêlant avec les réalités sombres de sa vie actuelle. Elle se rappelait chaque moment partagé, chaque éclat de rire, mais aussi chaque détail de la trahison. L'agonie de la réalisation pesait sur son cœur meurtri, laissant un goût amer dans sa bouche.

La colère bouillonnait en elle, une colère inexprimée, dirigée contre elle-même, contre le monde qui semblait s'acharner sur elle. Elle avait sacrifié tant de choses, avait navigué à travers les eaux troubles de la moralité pour finalement se retrouver seule, trahie et condamnée. Ses mains tremblaient de frustration, mais elle restait silencieuse, refusant de laisser éclater cette colère qui menaçait de tout détruire sur son passage.

La chambre était emplie d'un silence lourd, seulement rompu par le bruissement étouffé des sanglots qu'elle retenait. Le plateau de nourriture déposé par Isobel restait négligemment sur le bureau, son contenu à présent froid.

Elle commençait à en avoir sérieusement assez de se faire marcher dessus sans cesse. Assez de passer pour celle à qui on peut tout faire passer par la force des choses. La Baron, Raul, Aroll. Ils avaient tort de se jouer d'elle car elle se trouvait dans une position dangereuse. Pour eux.

Il devait être le milieu d'après-midi lorsqu'elle se leva enfin du lit et qu'elle décida d'enfiler rapidement une jupe et un corset par-dessus sa chemise de nuit. Elle sortit de la chambre, déterminée et les cheveux en bataille. Elle traversa les couloirs de la caserne avec un objectif en tête. Leur rendre la pareille.

Sans même vérifier avant d'entrer, elle déboula dans la salle de réunion, où elle avait repéré le tableau de l'enquête des Écarlates. Les supérieurs de l'armée étaient présents, dont Landon.

La Cité de SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant