Chapitre 8 [5/5]

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Voir Irimel dans cet état, désespéré, frappant ce rectangle de lumière, insuffla la force nécessaire à Merychel. Il ouvrit en grand les portes du hall et s'y élança.

—Le remède, je vais le faire !

Adrienne et Irimel fixèrent la silhouette en pyjama beige, qui venait de rentrer pieds nu, avec stupéfaction. Son visage éclairé par la lueur de Sermethril, Merychel ne clignait pas des yeux et restait bouche bée. Ses yeux bleus se mouvaient à toute vitesse entre ses compères.

—Bien sûr, lâcha Irimel d'un ton moqueur. On vient de perdre Albarath à cause du remède, continuons jusqu'à ce que nous soyons tous morts !

Adrienne le foudroya du regard mais il l'ignora et s'approcha de Merychel, les mains dans les poches.

—J'ai une meilleure idée. Vous deux vous restez là et moi je pars m'occuper de l'enfoiré derrière son meurtre.

Merychel tressaillit.

—Mais j'ai besoin de toi pour le remède...

Le regard écarlate d'Irimel se posa sur lui et son cœur se comprima.

—A quoi bon créer le remède ? Il le voulait pour reprendre le pays en main, tu vas le faire ? cracha Irimel en écartant les bras pour ponctuer ses mots. Tu vas monter sur le mur de Rêvire pour parler au peuple ? Accepter le trône et assumer ses responsabilités ?

Les lèvres du sorcier tremblèrent.

—D'abord le remède, la suite je verrai..plus tard..Il est mort pour le remède !

Ses derniers mots prononcés distinctement, sans l'ombre d'un doute, eurent l'effet d'un brasier pour Irimel. Ses plumes se hérissèrent, gonflant ses joues d'une masse noire.

—Non, il n'est pas mort pour que tu finisses ce sortilège.

Il reprit d'une voix rauque qui s'apparentait presque à un grognement.

—Il est mort parce qu'il se sent responsable, parce qu'il assume ses actes. Il est mort parce que toutes les fois où il t'a promis de te couvrir, IL LE PENSAIT VRAIMENT !

Derrière Irimel, Adrienne faisait des gestes pour essayer de le calmer mais il l'ignora et continua.

—Alors profites bien d'être encore en vie !

—Je ne peux pas, bégaya Merychel. Je ne peux pas vivre dans son corps..

La respiration d'Irimel s'intensifia. Aux ondulations de ses plumes, Adrienne devina la colère qui montait en lui. D'un pas calme, elle se plaça entre eux. La lueur blanche dans sa main les força à plisser les yeux.

—Tu parles sans cesse de tuer le responsable, mais celui dont tu parles appartient à l'Eglise. N'est ce pas la meilleure manière de se venger de l'Eglise, que de réaliser ce remède interdit ?

Un souffle d'espoir illumina le visage de Merychel mais Irimel détourna le regard. Lentement, Adrienne s'approcha de lui, les pans de sa robe verte flottant derrière elle.

—N'est ce pas la plus belle manière d'honorer son sacrifice que de poursuivre son souhait ? Son rêve est encore possible. La simple existence du remède bouleverserait le pays. Même si Merychel n'assume pas le rôle d'Albarath à la perfection, le pouvoir de l'Eglise serait entaché.

Un grognement s'éleva, les plumes d'Irimel s'abaissèrent mais il détournait toujours le regard de ses compères. A son tour, Merychel s'avança. A chaque pas, la pierre froide du hall lui donnait la chair de poule.

—Sans le remède, je ne suis pas..

Digne. Mais le mot resta coincé entre ses lèvres. Pas digne de vivre dans son corps. Il reprit d'une voix claire.

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