Chapitre 8 [4/5]

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Blottie contre son coussin, Adrienne fixait l'entrebâillement de la porte qu'elle avait laissé entrouverte pour Irimel. Il ne lui avait pas adressé la parole depuis qu'il s'était enfermé dans sa chambre. Inquiète, elle avait hésité à toquer mais s'était résignée à le laisser tranquille. Il avait certainement besoin de solitude.

Contrairement à lui, Adrienne se languissait de compagnie. Même sous son voile à Sermethril, elle cherchait la compagnie de ses sœurs pour s'apaiser. Pas besoin de parler, simplement une présence amicale lui suffisait.

En cet instant, elle n'avait que son drap pour se réconforter. Elle s'empressa de le tirer pour s'en recouvrir, simulant son voile d'antan. Cette sensation familière lui réchauffa un peu le cœur. Mais dès l'instant où elle se retrouva dans l'obscurité, ses yeux se remplirent de larmes.

Elle ne connaîtrait jamais mieux son cousin. Le premier membre de sa famille à l'appeler par son prénom. Cette silhouette amicale dans son manteau bleu qui la saluait à distance quand elle portait son voile.

Elle essuya ses joues dans ses manches. Ma peine n'est rien à côté de la leur. Le drap remua avec ses reniflements. Puis lentement les souvenirs de la tour resurgirent dans son esprit.

Depuis qu'elle s'était retrouvée seule dans cette chambre, ils revenaient sans cesse. Le son de la barque sur le lac, du corps s'enfonçant dans l'eau. Ses bruits surgissaient dans son esprit accompagnés des images des horreurs qu'elle avait vues.

Elle plaqua ses mains sur ses oreilles, en vain. Les images persistaient, tout comme la respiration de Merychel baignant dans son sang la hantait. En cet instant plus que jamais, elle ne souhaitait pas rester seule.

Déterminée, elle souleva le drap et bondit hors du lit. Il ne faisait pas encore nuit mais elle avait enfilé la chemise de nuit blanche que lui avait remis les serviteurs après sa toilette. C'est dans cette tenue ample et pieds nus qu'elle marcha avec vigueur en direction de la chambre du prince.

Pour finalement s'arrêter devant sa porte sans oser toquer. Merychel était celui qu'elle aurait aimé voir dans un moment pareil. Mais il avait insisté pour qu'ils partent et surtout, son visage n'était autre que celui d'Albarath. Adrienne resta quelques instants figée devant cette porte, ignorant les murmures des serviteurs qui passaient derrière elle.

Elle frissonna et frotta ses bras.. Résignée à ne pas toquer, elle se dirigea vers son seul choix ; Irimel.

Située dans un couloir plus éloigné mais surtout plus discret, la chambre d'Irimel avait l'avantage de n'avoir aucun serviteur dans les alentours. Néanmoins, Adrienne s'y dirigea avec moins d'assurance. Bien qu'Irimel avait fait preuve d'un sang froid exemplaire dans la tour, Adrienne demeurait certaine qu'il n'avait pas envie de la voir. Les souvenirs du corps de Merychel baignant dans son sang suffirent à avoir raison d'elle et elle toqua. D'abord timidement, un son à peine perceptible puis avec vigueur.

Aucune réponse ne lui parvint à travers la porte. Inquiète elle l'entrouvrit.

—Irimel ?

En guise de réponse il grogna et elle osa mettre un pied dans cette chambre exiguë. L'intérieur étroit n'avait rien d'une chambre royale. Deux bougies posées sur un bureau éclairaient le lit et le dos tapissé de plumes noires d'Irimel dont la tête était appuyée contre le mur. Assis à même le sol, Adrienne remarqua des plumes autour de lui et bien plus dans les draps. Elle avança avec précaution avant de fermer la porte.

—De grace..Puis-je rester ? Je ne ferai pas de bruit..

Il resta silencieux. Adrienne devina sa respiration aux mouvements de ses épaules. Puis ses plumes ondulèrent dans son dos telle une vague.

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