Chapitre 3 [2/2]

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Lugubre.

Aucun autre mot ne définissait mieux le château d'Ostrigh aux yeux de Merychel. Arrivé peu avant le coucher du soleil, il contemplait l'imposant édifice isolé au milieu d'un paysage de plaines vertes avec appréhension. Le son des vagues au loin, le ciel bleu au-dessus et cette masse noire face à lui. Au pied des marches, Merychel se sentait minuscule et son regard ne cessait de scruter l'édifice de haut en bas.

Cette montagne de pierre grise siégeait sur la falaise bordant la mer telle une couronne de fer ternie. Les tourelles s'apparentaient à des pointes effritées avec leurs tuiles cassées et les fenêtres à des gemmes fissurées dont les ouvertures fines et obscures semblaient juger quiconque s'approchait d'un regard inquisiteur.

Sans les gardes, ce château criait à tout va qu'il était abandonné et mal entretenu. Bien que la véracité de la première affirmation restait évidemment fausse, la seconde ne laissait pas de doute.

Le sorcier n'y avait pas souvent remis les pieds depuis l'exécution de Chenhir, ce château n'avait pourtant rien d'une menace. Même si en l'observant aux premiers abords n'importe qui irait imaginer qu'un personnage malfaisant y vivait. Il ne s'agissait que du château d'Albarath, là où le prince avait grandi.

Sa main chercha sa cloche le long de sa ceinture et la serra avant de monter les marches. Les gardes le reconnurent et le laissèrent passer, le visage de Merychel restait facile à mémoriser.

Une fois dans le hall d'entrée, une odeur de moisie emplit ses narines alors que l'humidité ambiante le faisait frissonner sous son gilet. Il déambula dans les couloirs obscurs éclairés par de rares torches. Des serviteurs croisaient sa route et tous l'ignoraient. Aussi présent qu'un meuble. Un avantage indéniable qui ne lui déplaisait pas. Lui-même se déplaçait à pas feutré, ne voulant pas attirer l'attention car ce qu'il s'apprêtait à faire suffirait à l'envoyer à la potence. Le simple fait d'y penser lui donna la nausée, se remémorant le corps de Chenhir suspendu dans le vide. Il ralentit et posa une main sur la pierre froide, le temps de fermer les yeux.

Puis il reprit son chemin jusqu'à atteindre un escalier menant à un sous terrain. Il scruta les environs et dévala les marches jusqu'à atteindre une porte qu'il ouvrit lentement. Il jeta un coup d'œil dans l'entrebâillement et une fois assuré qu'il n'y avait personne, il s'y engouffra.

La porte se ferma dans un claquement faible qui fit vaciller l'étagère la plus proche, déclenchant les tintements des fioles se percutant. Rien de cassé. Merychel put reprendre sa respiration.

Aucune fenêtre, trois torches éclairaient cet étroit laboratoire d'alchimie. Merychel plissa les yeux en observant les fioles multicolores qui remplissaient les étagères le long des murs. De la sous-sorcellerie. Une reconversion idéale pour les sorciers ratés.

Deux bureaux étaient disposés en forme de "T" au centre de la pièce. Les deux étaient chargés en fioles usagées, livres et parchemins. Merychel grimaça face à ce désordre et avança entre les étagères et les bureaux dont des panneaux de bois dissimulaient les pattes. Il savait ce qu'il cherchait, pas le temps d'observer le désordre ambiant.

Ce laboratoire étroit ne faisait pas plus de quinze mètres de longueur. Au fond de la pièce, le sorcier s'accroupit et retira la pile de livres en bas de l'étagère. Puis il glissa ses doigts le long des pierres noires, se remémorant les indications de Chenhir. Cette cachette qu'il lui avait présentée pour "les temps sombres". Une instruction floue qui n'avait pas manqué de troubler Merychel.

Il saisit la plaque noire du mur, un trompe l'œil astucieux qui dissimulait la véritable cachette. Ses doigts se promenèrent dans l'ouverture obscure du mur. Finalement il en ressortit un petit carnet fin aux couvertures marrons. Un titre à l'encre noire désignait l'ouvrage, "Les contes de Vrym". Le sorcier reconnut l'écriture aux traits fins et pointus de son ami mais il resta hésitant. Et si il s'agissait vraiment de conte de Vrym ? Ou de souvenirs de famille ? Sa gorge se noua en réalisant que rien n'assurait que le carnet contenait des recherches sur les démons.

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