Lorsque Mastel se réveilla, il était étendu dans un lit d'auberge. Il remarqua d'abord le plafond couvert de toile d'araignée, les rayons de soleil chargés de poussière et l'odeur d'alcool. A ses côtés, une silhouette en robe noire lisait la Bible des Douze.
—Dieu soit loué ! Vous êtes réveillé ! s'extasia Geoffrey en posant sa Bible.
Mastel essaya de s'asseoir, mais son corps semblait avoir été roué de coups. Chaque mouvement tiraillait et crispait ses muscles. Geoffrey l'aida à s'asseoir et cala des coussins dans son dos. Une fois dans cette position Mastel contempla son torse et son bras droit couverts de bleu. D'épais bandages couvraient son épaule droite mais à sa surprise il ne sentait aucune douleur. Ni dans son épaule, ni dans son bras, ni dans ses doigts. Il frémit.
Il ne sentait plus son bras droit.
Geoffrey remarqua son regard paniqué.
—Ce n'est pas cassé, dit-il d'un ton rassurant.
Mastel força, en vain. De son épaule à ses ongles, il ne ressentait plus rien. La panique accéléra sa respiration et son cœur s'emballa. Son bras droit, demeurait immobile.
—Je ne le sens plus !
Geoffrey inspecta son bras.
—Le médecin est venu vous voir tout les jours, il a dit que ça ira mieux avec le temps..
Le visage de Mastel se décomposa.
—Tous les jours ? J'ai dormi combien de temps ?
Geoffrey posa une main dans le dos de Mastel, comme s'il craignait qu'il s'effondre.
—Quatre jours.
Une éternité aux yeux de Mastel. Il poussa le drap, bondit hors du lit et perdit l'équilibre. Geoffrey le rattrapa avant que ses genoux ne cognent le plancher.
—Doucement !
Geoffrey le tira et le replaça sur le lit.
—Où sommes-nous ? s'inquiéta Mastel.
—Ventbarg.
Le regard de Mastel se balada dans la chambre où il aperçut trois autres lits aux draps jaunis, vides.
—Ont-ils fui ?
Le sourire chaleureux de Geoffrey le rassura immédiatement.
—Pas du tout, Leonard doit torturer des passants avec son instrument du diable et Marylith... Elle a beaucoup dormi elle aussi, son corps était presque entièrement couvert de bleu... Elle ne doit pas être loin de Leonard.
Mastel cligna des yeux avec surprise. Ils n'avaient pas fui, mieux, ils l'avaient sauvé. Soudain, le nom Ventbarg reprit du sens dans son esprit. Les malfaiteurs, l'ancolie, la femme-medecin, tout refit surface. Il tenta de se lever à nouveau en s'appuyant sur Geoffrey.
—On doit bouger ! Qui sait combien de victimes ils ont fait en quatre jours !
Geoffrey l'aida à se lever d'un air confus.
—Je n'oserai pas nommer ceux qui écoutent les chants de Leonard des" victimes". Mais vous n'êtes pas loin de la vérité, hélas.
Mastel saisit le pan d'une chemise et insista.
—Le groupe de malfrat que l'on recherche transforme les gens en démons !
Malgré le poids de Mastel sur son épaule, Geoffrey réussit à dégager sa main pour faire le signe de croix.
—Seigneur.
Dans les rues de Ventbarg, un grand soleil illuminait les charrettes et marins qui s'y promenaient. Malgré cette masse humaine, le brouhaha des voix, les grincements des roues et les sons des sabots sur les pavés ; un son perçait le vacarme. Des notes cinglantes accompagnées d'un chant maladroit percutaient les oreilles des passants. Geoffrey et Mastel s'en approchèrent en grimaçant. Encore plus lorsqu'ils reconnurent Leonard vêtu de pourpre qui chantait, un pied posé sur une caisse, sa mandoline dans les bras.
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Les Douze
FantasyUn siècle que plus une âme ne ment en Atleia. Car mentir revient à briser l'une des Douze et quiconque y déroge est damné à se transformer en démon. Malgré tous les efforts mis en place par la Couronne et l'Eglise pour organiser le pays autour des...