Je pousse la porte du bar et plonge brusquement dans un brouhaha assourdissant. L’endroit est bondé et l’atmosphère est étouffante. Une chanson à la mode s’ajoute au bruit ambiant. L’éclairage est faible mais je trouve le zinc que plusieurs tireuses décorent de leur lumière. Derrière le comptoir un mur de bouteilles multicolores se reflète dans un miroir.
Sans même pouvoir m’entendre je crie au serveur :
« - Une pinte de blonde s’il vous plait ! »
Celui-ci me regarde brièvement, l’air peu concerné. Je comprends qu’il n’a pas entendu et pointe du doigt la machine.
Il s’empresse de remplir un verre qu’il me tend vivement et sans un regard.La mousse déborde et coule sur mes mains. Je trempe mes lèvres dans la boisson pour en diminuer le niveau et sens une petite moustache se former au-dessus de ma bouche.
Je repose mon verre, m’essuie du revers de la manche puis sors mon portefeuille de mon sac et règle mon dû.
J’en profite pour retirer mon écharpe et mon manteau que j’enroule à mon bras.Mon verre à la main je me fraye un chemin précautionneusement dans la foule. Je promène mon regard sur la salle et cherche la table où est installé Léo. Ne le trouvant pas, je m’arrête un instant et replonge mes lèvres dans le breuvage pour me donner une contenance pendant que discrètement je recherche mon ami.
Soudain, dans un éclat de rire, une personne recule et me bouscule violemment. Je suis projetée en arrière et certaine de chuter, quand tout à coup une main chaude et ferme s’enroule autour de ma taille.
Je sens le tissu de ma robe se coller à ma peau et mon corps devine des doigts assurés.
Mes mains occupées à ne faire tomber ni mes affaires ni mon verre, je sens celle de mon sauveur avancer sûrement vers mon ventre et me tirer à lui. Son autre main vient finir de m’enlacer et une douce chaleur m’envahit.Dans mon cou je sens un souffle chaud et légèrement alcoolisé se blottir. Un baiser s’y dépose doucement.
Je ferme les yeux un instant et me laisse porter par le frisson qui m’habite.
Je ne peux m’attacher dans le réel mais je me donne le droit de profiter dans mes rêves.L’étreinte est tendre mais sûre. Mon corps se détend, je soupire de plaisir.
Sur mon ventre les mains se décroisent, me prennent à la taille et me font pivoter.Je me retrouve face à Léo qui me sourit. Je reste abasourdie, tentant de mettre de l’ordre dans mes sentiments en pagaille.
Il saisit mon menton et de son pouce essuie la mousse sur ma bouche entrouverte.Je reprends mes esprits brusquement et m’écarte de lui, gênée. Je réalise que je ne suis pas dans un rêve.
« - Qu’est ce que tu fous Lélé ! Tu m’as fait peur ! »
On s’entend à peine, je suis obligée de me rapprocher pour me faire comprendre.
« - Je disais : tu m’as fait peur ! »
Il rit et me dit dans l’oreille :
« - C’est moi qui ai flippé, j’ai cru que t’allais te blesser ! »
Je ne comprends pas ce qu’il vient de se passer. Je me sens honteuse et choisis le déni de l’évènement pour le moment.
Je fais un signe de tête pour le remercier et clore la discussion, il me fait signe de le suivre.Nous arrivons à notre table. Ryu est installé confortablement, un verre à la main. Le bras étendu sur le dossier de la banquette et les jambes écartées, il observe les environs et ne prête pas attention aux deux filles de ce midi qui sont à côté de lui.
Elles regardent une vidéo sur un téléphone en sirotant leur cocktail et relèvent leur tête à notre arrivée.
La plus mince prend Léo par le bras et le tire à elle. Il se laisse tomber à ses côtés en riant.
Je m’installe à côté de Ryu et bois ma bière machinalement.Du coin de l’œil je regarde les deux jeunes filles.
Celle qui échange avec Léo le dévore du regard. Elle est brune et plutôt jolie avec sa frange courte qui s’accorde parfaitement avec son style un peu rock. Pour se faire entendre de lui dans le bruit, elle se penche régulièrement en s’appuyant sur son épaule tout en dégageant son décolleté. Elle rit fort et semble dans son élément.Son amie en revanche semble moins à l’aise. Elle est silencieuse et contenue. De temps à autres je la vois regarder l’heure sur son portable.
Ses cheveux châtains encadrent un visage assez banal. Elle porte un rouge à lèvres trop vif pour son teint clair. Je devine que c’est celui de sa copine, à qui il va bien mieux sur sa peau mate.Je me représente leur discussion de cet après-midi, la brune cherchant probablement à convaincre son amie de l’accompagner pour la soutenir et négociant en contre partie de la maquiller sans que celle-ci ne se doute de son rôle de faire-valoir.
Pour une fois je suis soulagée que Léo soit occupé. J’ai besoin de repenser à ce qu’il vient de se passer.
Comment ai-je pu le confondre avec un homme ?
Il a grandi, ce n’est plus un petit garçon, c’est un adulte désormais, oui. Mais un homme ?
Je le regarde discrètement.Ses yeux bleus verts pétillent et son sourire coquin dévoile des dents blanches. Ses bras sont fins et musclés. Son tee-shirt est plaqué sur sa peau et l’on devine ses pectoraux.
Avec la chaleur et l’humidité du bar ses cheveux blonds commencent à onduler et quelques discrètes gouttes de sueur perlent à son front.
Il passe la main sous son haut et tire sur le tissu pour s’essuyer le visage exposant au passage son ventre fin et musclé.
Il a le fameux « V » abdominal qui se dessine à l’intérieur de la crête iliaque.
Sans pouvoir me retenir je suis le sillon qui se dirige sous sa ceinture avant de revenir à moi.Je déglutis, j’ai le visage en feu.
Qu’est ce que je fous. A quoi je pense bon sang ! Léo est un ami.
Toutes les filles tombent sous son charme, je le sais, mais pas moi voyons, c’est ridicule.
Je le sais qu’il n’a pas conscience de ce qu’il provoque.
Mais qu’est ce qui lui a pris aussi de m’embrasser dans le cou ?Je finis mon verre d’un trait et me lève. J’ai besoin de m’éloigner une peu et me resservir est un bon prétexte.
Léo se lève aussitôt. Dans son élan il bouscule la jeune fille brune qui s’arrête immédiatement de rire.
Je fais signe que je vais me rechercher à boire et qu’il peut se rasseoir mais il dégage la main qui le retient et me rejoint.
Sur le chemin nous échangeons du mieux que nous pouvons.
« - C’était pas la peine de venir, je vais juste prendre un verre. Tu voulais quelque chose ?
- Je croyais que je devais t’inviter non ?
- Ah oui, tu me payeras le prochain, j’ai besoin de prendre un peu l’air aussi, reste avec les autres.
- ça me dit bien aussi de prendre un peu l’air, je viens avec toi »
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Py.
General Fiction"Mes rêves blessent et tuent. J'en suis convaincue. Toute lésion survenue dans mon sommeil se produit dans la réalité. Malheureusement pour tout le monde j'ai une imagination débordante et cela conduit souvent à des catastrophes dont l'absurdité ne...