Dans la cuisine je suis surprise de retrouver Ryu. Il fait chauffer de l’eau et je devine qu’il a les mêmes projets que moi pour diner.
« - Bin, t’es là toi ? Je croyais que c’était la piscine !
- C’est le cas, mais je suis rentré ce soir pour me changer. Je repars demain matin.
- Cool, c’est chouette de te voir un peu. Tu vas bien ? Pas trop dur à l’école ?
- Ca va. Je fais ce que j’aime, j’ai pas à me plaindre.
- Super, je suis contente pour toi. »
L’eau commence à frémir et nous la regardons silencieusement. Ryu n’a jamais été très loquace. Je ne me vexe pas de ses silences, je me sens bien en sa présence et cela me suffit.
« - Et toi, comment tu vas ? »
Je ne réponds pas immédiatement, un peu surprise que Ryu soit aussi bavard ce soir.
« - Euh… Et bin… Bien, j’imagine ? »
L’exercice d’une conversation réciproque avec lui est rare et je suis un peu déstabilisée par la situation.
L’eau se met à bouillir et Ryu coupe le feu. Il saisit la casserole et verse l’eau dans deux bols où sont déjà disposées des nouilles instantanées.
« - D’accord. J’avais l’impression que ça allait moins bien en ce moment. »
Je ne réponds pas. Il enchaîne :
« - Je sais que t’as tes secrets et que tu ne les partages qu’avec Léo mais si tu as besoin de quelque chose n’hésite pas à me le dire. Je ferai ce qu’il faut pour que tu te sentes mieux. »
Il me tend un des deux bols que je saisis.
« - C’est pour moi ? »
Il sourit.
« - Bien sûr. La galette est entamée et la couronne toujours dans le sachet, tu allais forcément dormir ici ce soir et après 23h tu prends toujours des nouilles, je me trompe ? »
« - Euh.. Oui, oui, c’est ça. Merci beaucoup Ryu. »
Je suis abasourdie par sa perspicacité et ne sais pas quoi ajouter.
« - Ca te gêne si je mange ici ? J’ai pas trop envie d’aller avec les autres ce soir.
- Aucun problème pour moi. Ca te gêne si je reste ?
- Non, pas du tout. »
Il sourit et retrouve son silence habituel. Debout dans la cuisine, nous finissons nos bols sans un mot.
Je m’attèle ensuite à faire la vaisselle quand trois petits coups résonnent sur la porte. Lucie entre.
« - Je venais vous dire au revoir. Il commence à se faire tard, je vais y aller.
- Ok, tu rentres comment ? Tu as besoin qu’on te raccompagne ?
- Non, non c’est bon, j’ai commandé un taxi, je fais toujours ça quand il est tard et que je suis toute seule, ne vous embêtez pas. »
J’acquiesce l’air rassuré mais un frisson me parcourt le dos. Visiblement Chloé ne compte pas partir de sitôt. Je réalise alors que l’organisation du couchage va être compliquée car il me semble que ni elle, ni moi ne souhaitons nous retrouver dans la même lit ce soir.
« - Je vais l’attendre avec toi. » dit Ryu. Puis se tournant vers moi : « - Je viens de me souvenir qu’il faut que je fasse un truc à l’école. Je vais y retourner, prends mon lit ce soir si tu veux. »
Je le bénis mentalement.
« - Merci Ryu, je te revaudrai ça. »
Il hoche la tête et sort de la cuisine avec Lucie.
Je finis de nettoyer et ranger pendant que dans le salon Léo et Chloé discutent encore puis décide d’aller me coucher sans les déranger. Epuisée de ma journée et profondément convaincue de ne pas vouloir entendre plus de leurs interactions, je m’endors aussitôt.
Je suis réveillée par les cris hystériques de Chloé.
« - Tiens ta galette et ta fève de merde ! Tu peux te les mettre dans le cul, j’en ai rien à foutre ! »
Un bruit de vaisselle jetée au sol retentit et me conforte dans l’idée que je ne veux pas participer à cet échange. Je m’assieds, allume la lumière et regarde l’heure. 5h10. Je me laisse retomber sur les oreillers en soupirant.
Les cris continuent un moment avant que j’entende la porte de l’entrée claquer et le silence retomber. Je me lève alors et retrouve Léo dans la cuisine.
Il est à genoux en train de ramasser des éclats d’assiette et de verre. La galette est au sol, piétinée. Je m’agenouille à côté de lui et l’aide à remettre de l’ordre.
« - Tu veux en parler ?
- Y’a rien à dire. Elle est folle, je lui ai dit de ne pas toucher notre galette et elle a commencé à hurler.
- Je vois…
- Je suis désolé Py. Elle a gâché notre tradition, j’aurais jamais dû l’inviter.
- C’est bon t’en fais pas, de toutes façons on savait bien que ce serait moi qui gagnerai cette année. »
Léo se tourne vers moi en souriant. Il assemble la couronne et me la pose sur la tête.
« - Je te dois bien ça. »
Nous finissons de ranger et convenons qu’il est plus raisonnable d’essayer de dormir pendant la dernière heure et demie qu’il nous reste de nuit. Sur les suppliques de Léo je finis par accepter de le rejoindre dans son lit. Je le prends dans mes bras pour le réconforter de sa mésaventure et nous nous endormons lovés comme deux petits animaux.
Le lendemain, le réveil est pénible. Tout ensommeillés, nous déjeunons d’un simple café en silence avant de partir.
La fatigue rend ma journée interminable et je lutte à la bibliothèque pour ne pas m’endormir sur mes manuels. Il me semble que mon cerveau a perdu toutes ses capacités d’apprentissage et de réflexion. Je quitte la fac bien plus tôt qu’à mon habitude tout en rêvant de me coucher tôt après un bol de soupe et de quelques tartines de fromage.
Mon rêve ne tarde pas à se réaliser, pour une fois pour mon plus grand bonheur. Il n’est pas 21 heures quand je me glisse dans mon lit en soupirant de plaisir.
Milo se roule en boule dans mon cou et je sombre aussitôt.
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Py.
General Fiction"Mes rêves blessent et tuent. J'en suis convaincue. Toute lésion survenue dans mon sommeil se produit dans la réalité. Malheureusement pour tout le monde j'ai une imagination débordante et cela conduit souvent à des catastrophes dont l'absurdité ne...