38. Ehcram

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Nathan, retrouvant son sourire, me fait alors part de l’avancée de son projet d’Erasmus.

L’aventure l’enthousiasme autant que les connaissances qu’il pourrait acquérir dans l’université qui l’accueillerait mais je remarque que quelque chose le tracasse.
Pendant que nous mangeons, il finit par me révéler que la famille de sa copine se propose de l’accueillir sur place et qu’il ne sait comment décliner l’invitation.

- Je ne sais pas si je t’avais déjà dit mais les parents d’Anastasia sont de grands journalistes internationaux. Ils ont dénoncé des trucs politiques dans leur pays, je ne sais pas quoi exactement, mais bref, ils ont dû fuir et se sont réfugiés en Angleterre. Leurs filles sont aux quatre coins du monde pour leurs études et ils se retrouvent régulièrement tous en France, mais au quotidien, eux vivent à Londres dans un appart gigantesque. Alors, forcément, si je viens en Erasmus, ils seraient ravis de m’accueillir, sauf que…

- Sauf que tu trompes ta copine avec tout ce qui bouge et que de rentrer tous les soirs chez beau-papa et belle-maman ça ne colle pas trop avec ta façon d'envisager ton Erasmus ?

Il fait la moue.

- Ouais, voilà, t’as compris le problème…

Je soupire.

- Non Nathan, le vrai problème c’est que tu trompes ta copine. Et tu sais ce que j’en pense… C’est pas une question de morale, même si on va pas se mentir c’est pas terrible de faire ça. Non, le souci c’est que je crois que tu fais ça malgré toi, parce que t’es trop pris dans la relation de tes parents. Ta mère trompe ton père et t’implique dans son secret, comment tu veux que ça ne te bousille pas ?

Je m’attends à ce qu’il s’emporte et que notre discussion s’arrête, comme d’habitude, mais pour la première fois il semble accepter d’entendre ce que je lui dis.

- Mon père taffe comme un fou tu sais. Il pense qu’être un homme c’est ramener de l’argent à la maison, avoir une belle femme aux fourneaux et un fiston qui réussit. C’est ce qu’il dit qu’il faut pour être heureux. Alors, j’imagine qu’il doit l’être…

- Un fiston qui réussit ? Tu parles de toi là ?

Il bombe le torse.

- Bah tiens ! Et pas qu’un peu !

- Et t’as réussi quoi ?

- Euh, bonjour ? T’as des yeux ? Je fais ce que je veux, j’ai une copine super riche et des tas de filles à mes pieds… T’as besoin d’autres précisions ?

- Oh non, je pense qu’on a assez de choses à travailler avec ce que tu viens de dire…

Je m’attèle alors à lui faire réaliser le parallèle entre sa vision de la réussite et celle de son père et je sens que quelques résistances cèdent en lui. La discussion est riche et je suis surprise par ses capacités d’élaboration.

Je passe finalement un moment relativement agréable avec Nathan qui reste à mes côtés pour le début des TD de l’après-midi. Lorsque Justine et Claire nous retrouvent il les salue poliment, plus intéressé par notre échange que par le parfum des œstrogènes et je souris intérieurement.

Après la première heure, nos TD diffèrent et nous nous séparons. Je lance un clin d’œil à Nathan qui entre dans sa salle.

- A la semaine prochaine !

Il rit candidement et, dans ce beau mec aux épaules carrées je vois l’enfant qui sourit.

Après quelques heures supplémentaires de cours c’est à mon tour de passer sur le divan : j’ai rendez-vous avec le psychologue. Le tourbillon d’évènements qui vient de chambouler ma vie mériterait bien quelques séances d’analyse, toutefois, si je me suis donné le droit d’aborder le sujet de ma culpabilité, ce n’est pas encore le cas pour mon égoïsme.

Py.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant