21. Royal

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L’après midi est déjà bien entamée quand j’arrive à la pizzeria. Le four est éteint et Léo est seul. Assis derrière le comptoir il lit un roman de science-fiction. Il le referme aussitôt qu’il me voit entrer et se lève.

« - Et bin ! Je ne t’attendais plus ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je t’ai envoyé des messages mais tu ne m’as pas répondu… »

Je regarde mon téléphone et vois plusieurs notifications en attente.

« - Désolée, j’avais complètement oublié mais j’avais rendez-vous chez le psychologue aujourd’hui.

- Le psy ? Sérieux Py ? T’y est allée ?

- Bin oui, on en avait parlé l’autre jour et j’ai pensé que t’avais raison, ça ne me ferait pas de mal de vider mon sac.

- Ca c’est sûr mais qu’est ce que t’as raconté alors ? La vérité ?

- Exactement.

- Tu te fous de moi.

- Non, pas du tout. Ecoute, au début j’avais pensé maquiller un peu les choses mais finalement le psy a été vraiment compréhensif et ouvert d’esprit, ça m’a mise en confiance et j’ai fini par tout lui dire. »

Léo me regarde interloqué.

« - Tu lui as tout dit ? Tout ?

-Oui. »

Il reste figé quelques instants puis se reprend. Il passe un coup de chiffon sur le zinc et y dépose une salade Caesar sortie du frigo. Tout en retirant le film transparent qui recouvre le bol il me demande :

« - Et alors ? C’était comment ? Tu t’es allongée sur un divan et t’as parlé pendant qu’il fumait sa pipe ? »

Je ris et attaque mon repas.

« - Pas du tout. Y’avait pas de divan mais deux canapés et l’espace est non-fumeur.

- Ah… Pauvre vieux monsieur qui se fait interdire ses attributs. Est-ce qu’au moins il a le droit d’avoir sa barbe blanche et son costume trois pièces ?

- Il fait comme il veut pour ça mais je crois qu’il est trop jeune pour ce style et surtout il beaucoup plus beau sans ! »

Je vois Léo se renfrogner.

« - Ah c’est un jeune. »

Je le questionne du regard.

« - Non mais c’est juste que ce que tu traverses c’est pas facile. Ca aurait été bien quelqu’un avec de l’expérience, c’est tout. 

- L’expérience de quoi ? Tu crois qu’il y en a beaucoup des comme moi ?

- Non, c’est sûr, mais quelqu’un qui saurait rester pro, en qui tu pourrais avoir confiance…

- Il est pro et j’ai confiance.

- Ok, ok, c’est juste qu’on connait tous l’histoire de la fille qui tombe amoureuse de son psy et j’ai l’impression que t’as pas besoin de ça avec ce que tu vis. »

Sa remarque me perturbe plus que je ne le voudrais. Je revois Hyacinthe déboutonner sa chemise et sa fossette chambouler mon cœur. 

« - Je ferai attention. »

Le sujet commence à m’embarrasser et je décide d’en changer.

« - Ryu n’est pas là ? Je croyais qu’il devait te remplacer en cuisine à cause de ta blessure.

- T’as vu l’heure ? Ca fait un moment qu’il est reparti ! Mais oui, on a échangé. D’ailleurs c’est toujours bon pour toi demain ? 

- Oui, bien sûr, je ne vais pas te laisser ensanglanter les pizzas…

- Super, merci ! Tu veux que je t’explique un peu comment faire ? »

Je vérifie mentalement la charge de travail qu’il me reste à faire et réalise que je n’ai pas même commencé mon programme de la journée. Je regarde l’heure : 15h30.

« - Ca te gêne si on fait ça demain plutôt ? J’ai encore pas mal de taf…

- Pas de souci. Finis de manger et file. »

J’engloutis la fin de mon repas et retourne à mes manuels. 

Je reste raisonnable dans mes objectifs et réussis à réunir suffisamment de concentration pour finir les exercices prévus pour la semaine suivante en TD. Satisfaite d’avoir rempli ce minimum je quitte la bibliothèque et prend le chemin de mon studio.

Je dîne d’un plat surgelé passé au micro-ondes et d’un yahourt que j’avale sans grand intérêt, assise en tailleur dans mon lit avec une série que je regarde sur l’ordinateur. 

Je me brosse les dents, me démaquille, remplis la petite écuelle d’eau de Milo et me glisse sous la couette.

Mon sommeil est paisible et libre de toute catastrophe pour mon plus grand bonheur. C’est reposée et de bonne humeur que je me réveille le samedi matin, prête à faire l’imbécile avec mon ami.

Les yeux à peine ouverts je lui envoie un message, ne voulant pas perdre une seconde de cette journée.

« Bonjour Lélé, je décide officiellement qu’aujourd’hui sera le jour où tu feras tout ce que je voudrais. Merci de m’amener mon petit déjeuner, je souhaite un pain au chocolat pistache-amande ainsi qu’un jus d’oranges pressées et un café. »

Je m’étire dans mon lit en souriant quand j’entends la clef tourner dans la serrure. Léo entre et me montre aussitôt un sachet en papier aux motifs de ma boulangerie préférée.

« - Votre petit déjeuner ma reine ! »

Je fronce les sourcils.

« - Comment t’as fait aussi vite ?

- Désolée Py mais t’es pas très originale, je savais que t’allais demander ça…

- Et le jus d’orange ? »

Léo sort son téléphone de sa poche et je devine qu’il lit le message que je viens de lui envoyer.

« - Merde ! Attends, je reviens ! »

Il repart en trombe et je profite de son absence pour me préparer. Essoufflé il revient une vingtaine de minutes plus tard, une bouteille de jus d’oranges pressées à la main.

« - Merci, serviteur. Quelle belle façon de commencer cette journée qui s’annonce particulièrement plaisante. »

Je m’installe à ma table et commence mon petit déjeuner. Pendant que je trempe ma viennoiserie dans mon café, Léo se glisse derrière moi. Je sens ses mains chaudes et fortes se poser sur mes épaules. Il commence à doucement me les masser. Ses pouces s’enfoncent au creux de mes muscles et ses doigts dansent sur ma clavicule. En remontant sur mon cou il soulève mes cheveux d’une main tout en les tordants délicatement et son autre main vient dénouer ma nuque. Une étrange sensation s’invite dans mon ventre. Je ferme les yeux et la laisse m’envahir délicieusement avant de redevenir raisonnable.

« - Merci, serviteur, vous pouvez disposer. »

Léo se penche vers moi tout en continuant son massage.

« - Vraiment ? Ca ne me dérange pas de continuer, ma reine. »

Bien moins assurée que lui je réponds.

« - Oui, oui, mettez un peu d’ordre dans mon royal studio avant que nous partions je vous prie. »

Léo s’exécute alors et, troublée, je finis mon petit déjeuner.

Après qu’il m’ait enfilé mes chaussures et portée dans les escaliers, il me dépose sur le trottoir. Je lui confie mon sac et nous prenons le chemin de la pizzeria en blaguant.

Py.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant