6 | Petit ego fragile

51 2 0
                                    


Milann

1 semaine plus tard

Notre vol est prévu à 10 h 30 et Arvin n'est toujours pas là. Toute cette semaine, il m'a bombardé d'emails en me mettant en copie de ses échanges sans me laisser répondre à un seul message, comme si j'étais une assistante en observation. Cet homme a un gros souci avec le travail d'équipe. Si j'ai accepté cette affaire, c'est parce qu'elle est mon ticket d'entrée pour ma réussite et il est hors de question qu'il me mette des bâtons dans les roues.

Depuis que Spezeli s'est réfugié dans sa cachette, les médias n'ont pas cessé non plus de parler de la personnalité publique du monde politique la plus suivie du moment et des émissions (menées par des journalistes incompétents et loufoques, surtout là pour amuser la galerie) dédiées à retracer en détail tous les faits de cette affaire ont vu le jour. Nous avons échangé une fois à distance pour qu'il se fasse une idée de moi. Très peu confiant durant tout le long de l'appel, j'ai préféré attendre de le rencontrer en face à face pour ma première phase de ma stratégie : l'interrogatoire. En principe, je le mène avant d'accepter une affaire, mais dans ce cas, j'opère à titre d'exception.

J'attends l'avocat depuis un quart d'heure devant le hall des départs, la poignée de ma petite valise cabine en main, quand je finis enfin par le voir apparaître. L'air détendu dans son costume sur mesure bleu foncé, il ne presse pas le pas. Il porte un sac bowling en cuir noir sur l'épaule et une pochette d'ordinateur noire de l'autre. À part un excès de confiance accroché sur le visage, il n'a rien emporté d'autre.

— Vous êtes en retard, on avait dit 8 h 45.

Je me prends un vent glacial quand il continue son chemin sans daigner m'adresser une formule de politesse matinale ni même un regard.

— Très bien, la bonne humeur est optionnelle ce matin, marmonné-je dans son dos.

Sauf qu'il entend et s'arrête en tournant seulement la tête sur le côté. Le regard en biais, je m'avance jusqu'à croiser ses yeux ambrés.

— Vous avez dit quelque chose ?

— Rien du tout.

Il reprend alors sa route vers le portillon de sécurité en m'ignorant pendant que je trottine derrière lui. Les talons à mes pieds ne sont pas idéals pour courir bon sang.

Les nerfs déjà sous pressions, j'essaye de ne pas m'emporter même s'il a la recette parfaite pour me provoquer.

Nos derniers échanges sont restés purement professionnels. Dès que je lui ai envoyé les pistes sur lesquelles je bossais et mes idées pour protéger la bonne réputation de Spezeli, il s'est contenté de réagir seulement en me mettant des « pouces », alors j'ai arrêté de lui faire part de l'avancement de mon travail.

— Vous pouvez ralentir un peu, l'interpellé-je. J'aimerais atteindre l'avion sans me tordre la cheville.

Arvin fait volte-face et me scrute de haut en bas.

— Vous auriez dû mettre une paire de chaussures plates.

— Ma façon de m'habiller vous pose encore un problème ?

— Vous me ralentissez, donc oui il me pose un problème. Si vous avez une autre paire de chaussures qui vous permet d'avancer plus vite, enfilez-la de suite parce que je ne vais pas vous tendre le bras.

Sur ces mots, il s'apprête à adosser le pas.

— Bon ça suffit, mettons les choses au clair maintenant, réclamé-je en le dépassant pour me poster devant lui.

Regain PrestigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant