7.2 | Tous les mariages sont semblables à une peine

38 1 0
                                    

***

Milann

Il est près de 21h00 quand nous sortons enfin de la maison du vice-président. Arvin a repris les choses après mon interrogatoire et nous avons travaillé sur le discours de la conférence publique que nous avons programmé dans deux jours à Washington, en présence de sa famille. L'avocat est resté aussi calme et sérieux que je le souhaitais, c'est même un peu trop suspect.

À l'intérieur de la voiture, il lâche un long souffle de fatigue.

— Vous n'avez pas pu vous retenir.

— J'ai n'ai pas fait six heures de vol pour poser mes fesses sur une chaise et vous écouter parler avec mon client.

— J'allais vous solliciter au bon moment. Les hommes comme Spezeli n'aiment pas se faire diriger par une femme, ils peuvent vite vous prendre comme une menace s'ils ne vous font pas confiance. D'où l'intérêt de rester tranquillement sans parler jusqu'à ce que je vous passe la balle.

Un beau discours à l'honneur du patriarcat et en plus il se croit dans un match de basket.

— Je ne vais pas changer ma façon de travailler pour vous. La balle c'est moi et ce soir j'ai marqué des points.

— Vous ne pouvez pas vous la jouer perso ! s'énerve-t-il. Pas avec moi en tout cas.

Cinq bonnes minutes à lui expliquer qu'il était nécessaire de tester le client et s'assurer de la véracité de son récit. Je n'ai fait que lui donner ce qu'il attendait de voir impatiemment.

— J'ai compris ce que vous faisiez, vous m'aviez partagé votre plan d'attaque.

Tiens donc il a été en fin de compte attentif à mes notes. Ses pouces n'étaient pas juste là pour décorer nos échanges. Il marque une pause avant de me demander finalement mon avis sur cet entretien.

— J'aurais aimé qu'il dise qu'il ne l'a pas violée.

— Il l'a fait. À plusieurs reprises.

— Il a dit « je ne l'ai pas forcée ».

Cette nuance me rend perplexe. On pourrait croire qu'il n'ose prononcer le crime pour lequel il est accusé.

— Il s'est envoyé en l'air avec une femme jeune, belle, qui lui a donné l'attention qu'il n'avait peut-être plus avec sa femme. C'est le fantasme de tout homme coincé dans un mariage ennuyant et qui se sent obligé de faire l'amour à sa femme par habitude comme un rendez-vous hebdomadaire. On va se pencher sur le double jeu de Cassie, résume Arvin en démarrant la voiture pour rejoindre la sortie.

— Ça vous arrange de la faire passer pour la mauvaise fille, n'est-ce pas ?

— Je me contre-fiche de savoir si c'est une bonne ou mauvaise fille. Mon travail consiste à élaborer une bonne stratégie de défense pour mon client, donc si elle joue double jeu, on doit le prouver et j'ai déjà un coup d'avance.

— Et je peux savoir de quoi il s'agit ?

La confiance ne règne toujours pas entre nous et ce n'est pas faute d'avoir essayé de l'instaurer. Même après lui avoir montré un fragment de ma façon de travailler, il ne me prend pas au sérieux.

— Qu'est-ce qu'il vous faut pour que je sois enfin prise en considération ? insisté-je.

— J'ai quelqu'un sur le coup.

— Continuez de me tenir à l'écart et vous assurerez notre défaite. Je n'ai pas pris ce dossier pour signer la fin de ma carrière à cause de vous.

L'avocat s'arrête devant le portail le temps que la sécurité vérifie nos cartes d'identité, puis nous faisons route vers le centre de Seattle.

— Je fais mon travail et d'après ce que j'ai compris vous avez besoin de ce dossier et de Prinston & Pears pour obtenir qu'il vous manque. Alors, ne prétendez pas avoir eu le choix.

Comment se fait-il qu'il soit autant courant de l'enjeu de ce dossier pour ma carrière ?

— C'est entièrement faux, je n'ai pas besoin de votre cabinet et j'aurais très bien pu refuser ce dossier.

— Pourquoi ne pas l'avoir fait dans ce cas ? me provoque-t-il.

— Ça ne crève pas les yeux ? J'avais tellement envie de travailler avec vous, dis-je avec ironie. Vous venez de dire qu'on devait bosser ensemble et pourtant vous jouez en solo vous aussi.

— Saige, jouer au couple marié ne fait pas partie de mon travail, souffle-t-il agacé. Donc épargnez-moi vos petites crises de jalousie, vous me donnez l'impression d'être condamné dans un mariage.

— Le mariage est une promesse d'amour, pas une condamnation, lui fais-je remarquer. Dommage que vous en ayez une terrible image.

— Tous les mariages sont semblables à une peine et si vous pensez le contraire c'est parce que vous n'avez jamais été mariée. Vous vivez dans un conte de fées miss vagin.

Là-bas au moins les hommes ne vous appellent pas avec ce surnom infâme. Je retrouve mon calme quand l'avocat m'informe de la suite du plan. Le moment de manger ne pouvait pas mieux tomber.

— Après ça, on va devoir réunir du monde. En ce qui concerne le président, Prinston a des contacts à la maison blanche, il va pouvoir nous arranger. Ce que je veux trouver à présent, c'est le mobile de Cassie.

Au risque d'entrer de nouveau dans un conflit sans nom, je préfère garder le silence et me persuader qu'Arvin sait parfaitement ce qu'il fait.

Regain PrestigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant