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L'eau ruisselant sur mon corps meurtri me rappelle la douleur incessante qui me hante. Je ne peux retenir une grimace, chaque goutte semble exacerber les ecchymoses, comme si l'eau portait en elle le poids de ma souffrance. Les hématomes me piquent à chaque mouvement, mes plaies ouvertes me brûlent comme si elles étaient en feu. La vie s'acharne sur moi, me frappe encore et encore, mais ce n'est pas seulement mon corps qui en souffre. Mon esprit est tout autant en lambeaux, écorché vif par chaque regard, chaque souffle d'air, chaque mot non prononcé.

La vie... elle n'est qu'un jeu cruel, un cycle sans fin de souffrance et de désespoir. C'est comme si elle flirte avec la mort, un duel constant pour nous surpasser, pour nous briser.

Pourtant, au fond de nous, à notre naissance, il y a une petite lumière, un éclat de quelque chose qu'on appelle espoir. Cette lumière vacille, vacille encore, se bat pour survivre. Mais pour moi, cette lumière s'est éteinte depuis longtemps.

Diego, comme tant d'autres avant lui, l'ont éteinte. Ils l'ont piétinée, l'ont écrasée sous leurs pieds, m'abandonnant dans l'obscurité. L'espoir n'existe plus. La lumière est morte.

Je sors de la douche, enfilant ces mêmes vêtements que je hais. Ce tee-shirt oversize, cette armure informe, destinée à cacher tout ce que je déteste en moi.

Aujourd'hui, c'est jeudi. Une journée ordinaire, mais qui pèse sur moi comme un millier de pierres. J'ai cours jusqu'à 13 heures, puis un entraînement de cheerleading avec Lolly de 14h à 16h. Un jour comme les autres, où je dois porter ce masque souriant, où je dois ignorer le poids de mes hématomes et la douleur qui transperce chaque muscle de mon corps.

En arrivant au lycée, je force un sourire. Je ne peux pas me permettre d'être vulnérable ici. Mon visage, tiré par les cernes et la fatigue, me trahit pourtant. Le sac à dos que je porte semble peser une tonne, mais ce n'est pas vraiment lui qui me tire vers le bas.

C'est le poids de ma vie, ce fardeau invisible qui écrase mes épaules. Je m'assois à ma place habituelle, et Diego s'installe à côté de moi. Son regard est lourd, oppressant. Il prétend avoir froid, et la professeure lui permet de mettre son blouson sur ses genoux, à sa demande. Mais je sais ce que ça signifie. Je sens son manteau sur mes jambes, plus que sur les siennes, et je sais ce qui va suivre.

Il commence à me pincer les cuisses, en appuyant sur un hématome qui n'avait pas encore totalement guéri. Il sait exactement où appuyer pour faire le plus mal. Mais je n'ai pas le droit de réagir. Il me force à sourire, à masquer la douleur. Souffrir ou sourire... il n'y a que les « f » qui changent. Pourtant, à l'intérieur, je pleure. Je hurle de toutes mes forces, mais personne ne l'entend. Personne ne sait que, sous ce sourire niais, je suis en train de mourir un peu plus à chaque seconde.

Ses doigts glissent subtilement le long de ma cuisse, explorant un peu plus loin.
La pression augmente lorsqu'il s'aventure vers mon entrejambe. Mon souffle se coupe. Je sens sa main s'attarder, insidieuse, menaçante. Il est discret, suffisamment pour que personne d'autre ne remarque ce qui se passe sous son manteau posé sur nos genoux. À chaque geste, mon coeur s'accélère, le vertige de la peur m'envahit. Pourtant, je reste immobile. À l'intérieur, je hurle. Je crie de toutes mes forces, mais personne ne m'entend. Mes lèvres forcent un sourire niais, une façade qui dissimule la tempête en moi.

Il appuie un peu plus fort, sa main devient plus insistante, et je sens la chaleur de la honte m'envahir. Je voudrais repousser sa main, me lever et m'enfuir, mais je suis prisonnière de son emprise. Si je bouge, il saura comment me punir plus tard. Alors je reste là, figée, les muscles tendus, essayant de me détacher mentalement de ce qui est en train de se passer. Mes pensées s'égarent, cherchent un refuge ailleurs, loin de cette salle de classe, loin de lui.

Personne ne sait. Personne ne peut deviner que sous ce sourire artificiel, je suis en train de mourir un peu plus à chaque seconde. Le poids de sa main, de sa domination, est écrasant.

Après le cours, je me dirige vers le gymnase avec Lolly. Elle est radieuse, comme d'habitude. Ses longs cheveux blonds lisses tombent en cascade sur ses épaules, et son sourire éclatant illumine la pièce. Elle me raconte son week-end avec une légèreté qui me semble si lointaine. « Mec, baise, douche », résume-t-elle avec un rire. Je l'envie, parfois. J'aimerais avoir sa confiance, sa liberté. Quand Lolly entre dans une pièce, on ne voit qu'elle. Elle respire la confiance, elle est lumineuse. Même après une rafale de vent ou une forte pluie, ses cheveux resteraient impeccables, je le sais.

Nous entrons dans le gymnase, et je salue les filles. Lolly attire naturellement l'attention, comme une sirène sortant des flots. Parfaite en toute circonstance. Moi, en revanche, je me sens insignifiante à ses côtés, cachée dans mon legging et mon tee-shirt trop grand. C'est ma protection, ce tee-shirt. Il cache tout ce que je ne veux pas montrer.

- Salut ! lance Stella, la meilleure amie de Lolly.

Stella est un peu comme Lolly, mais avec un caractère plus doux. Elle a des cheveux châtains bouclés et des yeux de la même couleur, ce qui lui donne une apparence harmonieuse, simple mais belle. Contrairement à Lolly, qui est toujours tirée à quatre épingles, Stella a un charme plus naturel, plus accessible.

- Salut, tu vas bien ? lui demandai-je avec un sourire sincère.

- Oui, ça va, merci. Et toi ? répond-elle avec douceur.

- Je vais bien, merci.

Nous discutons un peu, puis l'entraînement commence. La musique résonne dans le gymnase, et je m'efforce de suivre le rythme, de ne pas penser à la douleur qui palpite dans mon corps. Chaque saut, chaque figure me rappelle mes blessures, mais je ne laisse rien paraître. C'est mon échappatoire, pour quelques heures au moins.

Après l'entraînement, Diego m'envoie un message. Il me rappelle la promesse qu'il m'avait faite autrefois : me faire visiter la ville. Une vague de terreur m'envahit. Je sais ce que cela signifie vraiment. Ce n'est pas une visite de courtoisie, c'est un piège. Il ne s'est pas encore vengé de mon « erreur », ce laps de temps pendant lequel je ne lui ai pas répondu. Il va en profiter, je le sais.

Il m'a dit que je pouvais m'habiller comme je le voulais aujourd'hui, mais je me méfie. Avec Diego, les règles changent à chaque instant, et il peut décider à tout moment que ma tenue ne lui plaît pas. Je choisis un tee-shirt oversize bleu avec de larges écritures, et un jean bleu clair. C'est basique, mais c'est tout ce que je peux me permettre. C'est la seule liberté que j'ai.

Je me maquille à peine, car je sais qu'il déteste ça. Je me souviens d'une soirée où il m'avait dit que je pouvais me maquiller, alors je l'avais fait. J'étais fière de moi, j'avais pris le temps de bien faire les choses. Un peu de mascara, un rouge à lèvres rosé. Je me sentais belle, pour une fois. Mais quand il m'a vue, il m'a traitée de pute. Il m'a forcée à me démaquiller. J'avais protesté, parce que je voulais garder ce maquillage, mais il m'avait frappée si fort que j'avais du mal à respirer. Depuis, je n'ose plus essayer.

Je ferme la porte de ma chambre et descends les escaliers en silence. Je sens mon téléphone vibrer dans la poche arrière de mon jean. Je le sors et découvre un message de Diego.

Diego : Je suis devant chez toi.

Mon cœur s'arrête un instant. Je sais que ce moment est crucial. Que va-t-il me faire cette fois ?

UNE ÉPÉE DANS LE COEUROù les histoires vivent. Découvrez maintenant