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Je me dirige vers la cuisine et me sers un grand verre de lait. On dit que ça aide à dormir, mais pour moi, ça n'a jamais vraiment fonctionné. C'est probablement juste un mythe comme tant d'autres.

Je retourne m'asseoir, cherchant désespérément à calmer mon esprit pour enfin fermer les yeux et échapper à cette journée.

- Tu ne dors pas encore, princesse ? murmure une voix derrière moi.

Je sursaute et me retourne brusquement pour voir Hayden debout près de l'îlot central, le visage à moitié dissimulé dans l'ombre.

- Apparemment, toi non plus. je réponds doucement, mon cœur battant encore un peu trop vite.

Il esquisse un sourire et poursuit, la voix plus grave et plus douce qu'à l'habitude :

- Pourquoi tu n'arrives pas à dormir ?

Je soupire. C'est une question à laquelle je n'ai pas de réponse claire, du moins c'est ce que je prétends.

- Je ne sais pas...

Mais au fond, je sais très bien pourquoi.

- Tu sais très bien pourquoi. murmure-t-il, comme s'il pouvait lire dans mon esprit.

Je souris malgré moi, consciente que mes pensées ne lui échappent pas. C'est déconcertant, cette façon qu'il a de me cerner avec une telle précision.

- Viens, on va dans le jardin. je propose soudain, cherchant une échappatoire.

Dehors, les petites lumières disposées le long du chemin illuminent à peine nos visages, créant une ambiance presque intime. Nous nous asseyons sur la balancelle que ma mère voulait tant. Je fixe le ciel, mais il est impossible d'échapper à ce qui me ronge.

Je prends une profonde inspiration avant de parler :

- Chaque fois que je ferme les yeux, je fais des cauchemars. C'est Diego. Il est là, dans ma tête. Même quand je suis réveillée, il est là, et j'ai peur qu'il me retrouve. Je sais que tout le monde fait de son mieux pour me protéger, mais comment se protéger de soi-même ? De ses propres pensées ?

Les larmes commencent à couler avant même que je m'en rende compte. Je les essuie rapidement, mais Hayden est déjà là, m'enveloppant de ses bras forts et rassurants.

- C'est normal d'avoir peur. murmure-t-il doucement. Il t'a volé bien plus que trois jours de ta vie. Il t'a traumatisée. Mais tu n'es pas responsable de ce qu'il a fait. Il doit être tenu responsable de ses actes, pas toi. Est-ce que tu as déjà parlé de tout ça à quelqu'un ?

Je secoue la tête, trop submergée par l'émotion pour répondre immédiatement. L'idée de tout raconter me paralyse. Comment mettre des mots sur ce qui s'est passé, sur ce que j'ai ressenti ? Est-ce que quelqu'un pourrait vraiment comprendre ?

- Eleanor. reprend-il en me regardant droit dans les yeux. Tu ne devrais jamais avoir l'impression que personne ne t'écoute. Moi, je t'écouterai autant de temps qu'il le faudra. Ta voix... elle est douce, elle a quelque chose de presque apaisant. Alors oui, je serai toujours là pour t'écouter. Parce que tu le mérites. Plus que tu ne le penses.

Ses mots résonnent en moi, dissipant peu à peu cette peur de ne pas être entendue. Peut-être que c'est le moment. Peut-être que je peux tout lui dire, même si ça fait encore mal.

Comme s'il lisait encore dans mes pensées, il ajoute :

- Si tu te sens prête, parle. Je ne te forcerai jamais, mais je pense que ça te libérera, d'une manière ou d'une autre.

Je respire profondément. Oui, c'est le moment. Hayden est là, et je sais qu'il ne me jugera pas. Je peux tout lui dire, même ce qui me semble si difficile à exprimer. Il est temps de libérer cette douleur, de ne plus la porter seule.

- Je vais tout t'expliquer. Le soir quand on était chez toi. Je me sentais pas très bien. Je me sentais..comme..comment dire. Tourmentée je dirais. Je me sentais compressé par ma situation. Je me sentais toujours comme contrôlée par Diego. Mes faits et gestes était constamment épiés par lui.

Je prend une petite pause et reprend :

- Je le sentais, je le voyais, je l'entendais. Ce soir là, j'ai bu une ou deux bières, je sentais la tristesse mélangé à la peur venir à grande vitesse. J'ai donc prétexté que j'allais me dégourdir les jambes et que j'allais un peu marcher. Je suis allé dans cette forêt, si sombre mais aussi si accueillante. Je me suis assise sur un tronc de bois, qui était assez large et long. J'ai commencé à pleurer pendant de très, très longues minutes. Je me refaisais toute ma vie dans ma tête. Je me demandais où ça avait dérapé. À quel moment j'ai été vraiment heureuse en était réellement moi même. Je ne trouvais qu'une réponse. La personne avec qui j'étais le plus moi même c'était avec toi mais je sentais que même qu'en je passais du temps avec toi. Mon esprit vagabondait ailleurs. Je me suis posée littéralement beaucoup de questions. J'en suis même venu au fait qu'il fallait peut être que je m'abandonne définitivement à Diego.
Et au même moment, il a fait son apparition. Je n'entendais que des bruits de pas que je savais déjà à qui il appartenait. C'était ces pas qui me hantait jour et nuit. Je pourrais les reconnaître entre mille. J'aurais préféré que ce soit des pas que je n'arrive pas à reconnaître mais malheureusement. J'ai fermé les yeux quelques secondes mais j'ai été forcé à les réouvrir. Je l'ai est réouvert car j'ai senti une vive douleur piquante dans mon bras. Il avait utilisé encore une fois, sa seringue. Je sentais déjà la drogue se baladait dans mes vaisseaux sanguins.
J'ai planté mes yeux larmoyants dans les siens. Je pouvais y lire une haine profonde. Il m'a brutalement traînée hors des sentiers battus, m'éloignant de toute chance de secours. Il a commencé par.. les larmes redoublent et Hayden tient ma main et m'incite avec un sourire réconfortant de continuer.

- Il m'a frappé violemment, ça m'a laissé tous ces hématomes et ses plaies ouvertes. Mais malheureusement cela n'était que le début. Il y avait cet arbre sur lequel il m'a attachée avec des cordes rugueuses qui m'entaillaient la peau à chaque mouvement. Regarde. Je lui montre mes bras comme pour lui prouver.

- Tout au long de la soirée , il m'a torturée en alternant coups et menaces psychologiques. Il me répétais que je ne sortirait jamais vivante de cette foutu forêt. Puis il a commencé à faire nuit, on ne voyait plus rien. Il a décidé de me laisser attachée, exposée au froid et aux bruits terrifiants de la forêt, sans nourriture ni eau. Chaque fois que j'essayais de dormir. Il revenait pour me réveiller en me frappant ou en me versant de l'eau glacée sur le visage. Il faisait des allers retours à une aire d'autoroute juste pour aller chercher cette eau. Mais alors que je pensais qu'il était à son maximum. Il m'a révélé une facette de lui-même que je n'aurais jamais pu soupçonner.

UNE ÉPÉE DANS LE COEUROù les histoires vivent. Découvrez maintenant