Haayal
J'ai rejoint le Repaire après mon entretien avec Reagan, l'esprit fusant à cause de son comportement étrange à mon égard. Je l'ai mis sur le compte de la fatigue - vues les cernes qu'il arborait lors de notre entrevue - mais il n'en reste pas moins insolite.
C'est donc après cet événement – et un léger petit incident de rien du tout – que j'ai retrouvé Saeem et Jun, sur les nerfs pour la première fois depuis que je l'ai revu. En me voyant arriver sur mon cheval, il court dans ma direction en criant:
— Alors toi, tu m'en dois plus d'une !
Il s'arrête juste en face de moi, tout essoufflé. Je fronce les sourcils, un sourire d'incompréhension aux lèvres quand je lui demande:
— Je pourrais savoir pourquoi ?
Penché en avant et les mains sur les genoux, il tente de reprendre son souffle. Ses joues prennent une teinte encore plus rosée qu'elles n'ont déjà. Je note son changement vestimentaire. Il est vêtu comme un voyageur, dont l'état des habits laisse à désirer, avec une bourse bien remplie, aux liens d'or. C'est le signe qui permet de distinguer les commerçants autorisés de vente par le royaume de Satylia. Il se redresse, expire une dernière fois et s'avance vers mon cheval. Il en saisit les rênes pour le faire s'arrêter, plante son regard dans le mien, puis me dit:
— La mère de ton employeur s'est avérée être une femme très insistante...
— Insistante, dans quel sens, je l'interroge, ne comprenant toujours pas où il veut en venir.
Il soupire tandis que ses joues rougissent encore un peu plus. Dans un soupir, il me répond:
— Arrête de faire semblant de ne pas comprendre parce que je ne vais certainement pas te faire un dessin...Elle me faisait des avances.
— Je ne fais pas sem– Attends...QUOI ?!
Je réalise ce qu'il sous-entend. Mes yeux s'écarquillent et je glapis de dégoût avant d'exploser de rire. Il rétorque, un ton presque implorant:
— Tu as fini de te moquer de moi, Haayal ? Elle n'avait pas l'impression de se rendre compte que j'avais la moitié de son âge et que je n'avais pas l'air partant du tout. Ou alors elle s'en foutait, je ne sais pas. Bref, j'ai flippé. Elle ne voulait pas non plus comprendre que je n'ai pas le temps pour ce genre de bêtises. Et puis, elle aurait carrément pu être ma mère...
"Pas le temps pour ce genre de bêtises"... Ça vaut pour moi aussi, je le sais. Pourtant, me voilà, à ressentir plus que de la sympathie pour quelqu'un que je devrai tuer dès que possible. Je porte plus que mes seuls espoirs sur les épaules. J'ai tous ceux d'un peuple complet.
Jun me tire de mes pensées en me demandant:
— Tu m'écoutes, ma belle ? Je disais que, heureusement pour moi, elle a reçu une missive de son fils qui lui demandait de rentrer urgemment au château pour je-ne-sais quelle raison. D'ailleurs, me lance-t-il, pourquoi tu es arrivée après moi, alors que tu es arrivée puis repartie de Satylia avant ?
Tu y es allée un jour avant moi si je ne me trompe pas. Le souvenir sanglant de deux ou trois Satyliens aux mains un peu trop baladeuses pour leur propre bien me revient en tête.
C'était de la légitime défense. Au point de les tuer ? Tu n'abuserais pas un peu, là ?
De toute façon, ils auraient trouvé quelqu'un d'autre et lui auraient fait du mal. J'ai rendu service à l'humanité, voilà tout.
Je réponds de façon évasive à Jun:
— J'ai juste rencontré un tout petit incident en cours de route. Rien de plus, juste une bricole.
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The Bastard Prince
FantasySaya est sur le point de devenir Roi de Satylia, quand son propre frère remet toute sa vie en question et le déclare illégitime au trône. Désormais en exil, Saya s'établit dans un royaume inconnu. Et il est bien décidé à en faire son empire pour réc...