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Saya

Je n'ai jamais eu autant envie de tuer quelqu'un que quand j'ai vu la lettre de Reagan dans les mains de Haayal. Je n'ai jamais eu autant envie de bafouer la règle numéro deux de mon code d'honneur. Je savais qu'elle complotais dans mon dos, mais j'ai continué à faire l'aveugle parce que c'était plus simple. Et parce que je l'aime, j'imagine...

Parce que l'amour rend aveugle.

C'est bien ma veine, tiens.

J'ai fermé les yeux sur tous les soupçons que j'avais sur elle, pour me concentrer sur l'image fausse que je me suis faite d'elle. Quand la réalité m'a rattrapé, j'ai pris une gifle. Et pas des moindres. Même si je me doute qu'elle me mente toujours, je veux la croire. J'ai besoin de la croire, sans comprendre pourquoi. Ça pourrait me valoir la vie, j'en ai pleinement conscience. Et si je pouvais éviter de ressentir ce besoin, je le ferai. Mais c'est plus fort que moi, je n'y peux rien.

J'ai appris en plus que Saeem a connu ma mère, et m'a conçu par la même occasion. C'est donc mon père, en quelque sorte... Peu importe s'il l'avait connue, ou si je partage son sang, il n'a pas le droit de me donner d'ordre. Encore moins sur la façon dont je mène ma vie, alors qu'il est mercenaire et qu'il a fait du meurtre sa routine quotidienne et la façon dont il gagne sa vie. Je ne supporte pas qu'on me dicte les choses que je dois faire, et surtout quand la personne qui se permet cela devrait appliquer ses propres conseils. C'est hypocrite, et ça m'horripile.

Jun et Saeem sont revenus – à ma grande surprise – dans l'après midi comme je leur ai demandé.

Techniquement, c'était juste pour qu'ils avalent mieux le fait que je les éjecte du château juste après, mais ils sont venus quand même. Alors, j'ai dû supporter les questions de Jun sur la façon dont j'ai réussi à contrôler mes pouvoirs en si peu de temps. Question à laquelle j'ai répondu par un vague haussement d'épaules, ne voulant pas m'attarder sur le fait que je détiens mes pouvoirs d'une partie de moi qui vaut mieux ne pas leur présenter. Jun en a fait la rencontre sans le savoir et il en garde comme souvenir des marques de strangulation rougeâtres sur le cou, je ne veux pas pousser les choses plus loin qu'elles ne sont déjà allées.

C'est donc après des heures de discussion forcée à laquelle j'ai participé en hochant la tête ou en humant une ombre de réponse que les deux mercenaires sont partis. Pile au moment où le soleil se couche; pile au moment où Haayal rencontre mon frère dans la forêt à la frontière Satylienne.

Cette pensée me donne la nausée. De savoir Reagan aussi près de ma...de Haayal me donne la nausée. Tout à propos d'une discussion, d'une rencontre ou même d'un regard échangé entre eux deux me donne la nausée. J'ai détesté qu'elle m'ait menti. Mais par-dessus tout, j'ai détesté qu'elle m'ait menti pour aller le voir, lui.

Parce qu'au fond, même si j'ai du mal à l'avouer, j'ai peur qu'elle m'abandonne...

Peur qu'elle m'abandonne pour lui, comme tout le reste de ceux qui m'ont entouré pendant dix huit ans.

Peur qu'elle m'abandonne, comme Saeem a abandonné ma mère, même contre son gré.

Les sentiments que je ressens pour elle font ressortir ses anciennes peurs, et une partie de moi la maudit pour ça. Je n'ai pas besoin de laisser apparaître des faiblesses, pas maintenant. Pourtant, elle est là. Et à elle toute seule, elle constitue une faiblesse.

Ma plus grande faiblesse.

...

Je me réveille à l'entente de coups frappés à la porte. Je lève la tête d'où elle repose – sur le piano – et constate que je me suis endormi dans la salle de l'instrument. Ça ne m'est encore jamais arrivé et même si je me doute de la raison derrière ça, je ne veux pas y penser. Je ne veux pas penser à elle...

The Bastard PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant