39.

13 1 0
                                    

Reagan

Chaque sort que Saya me lance, je le pare avec la lame de mon épée. Quand il est assez près de moi, il tente de me frapper de son épée, et je parviens à esquiver ses coups. Mais il est de plus en plus difficile de suivre le rythme, car il ne cesse d'accélérer. Je recule à chaque attaque qu'il me destine, en résistant du mieux que je peux pour l'amener là où Haayal mettra fin à sa vie. Le feu fait rage autour de nous, emplissant l'air de cendres qui s'introduisent dans mes narines et tombent dans ma gorge, m'empêchant de respirer convenablement. Je semble être le seul que ça affecte, car une expression triomphante peint le visage du garçon qui est mon frère – et qui a clamé ne pas l'être. Ses lèvres sont étirées en un grand et sinistre sourire, et je ne perçois aucun signe de stress ou de peur dans son langage corporel. Comme si tout ça n'était qu'un jeu, comme si c'était...simple. 

Ses épaules sont détendues, et l'ampleur des gestes qu'il fait quand il me jette un maléfice est quasi inexistante. Il ne paraît pas faire de grands efforts. Cependant, j'arrive petit à petit à le faire me suivre vers le château, en reculant pas à pas en direction du château. Chaque pied que je pose derrière moi me rapproche du moment où je le verrai mourir. Je pare un autre éclair de lumière violette qui tourbillonne dans ma direction quand il me dit:

— Tu sais que je ne suis même pas à dix pour cent de ce que je pourrais réellement te faire ? Ne va pas croire que tu possèdes une force surhumaine ou quelque chose dans le genre. Tu es faible Reagan. "Tu es faible. Tu me dégoûtes, Reagan." Je déglutis difficilement en entendant Saya dire ça, tentant d'avaler le nœud qui se forme dans ma gorge et les souvenirs qui refont surface. Un autre éclair de lumière violette vient s'écraser à quelques cheveux de mon oreille droite, que j'ai réussi à éviter de justesse:

— Oups, loupé, ricane-t-il. Néanmoins, je crois avoir touché la corde sensible avec mes paroles...

  Je me suis toujours demandé pourquoi certaines personnes tournent mal. Est-on vraiment responsable de ce que l'on devient ? Est-ce la faute de ceux qui nous ont élevé, et la façon dont ils l'ont fait ? Pourquoi certains parviennent à devenir de bonnes personnes en vivant dans un environnement familial nocif ? Pourquoi d'autres s'y noient, et deviennent de vrais cauchemars, pour eux comme pour les autres. Pourquoi certains d'entre nous semblent plus enclins à faire le bien, et d'autres à faire le mal ? 

Pourquoi Saya est-il devenu ainsi ? 

 Au fond, je connais la réponse, depuis toujours. 

Mère. Et tous les Satyliens qui s'acharnaient sur lui. Des flammes noires naissent sous chaque pas que Saya fait dans ma direction, et plus il avance, plus il semble faire sombre derrière lui. Comme si, l'obscurité le suivait. 

Comme s'il était, l'obscurité. 

Il dessine un tourbillon avec son index, pointé vers moi. Aussitôt, je sens quelque chose s'enrouler autour de ma taille, mais il n'y a rien. Cette sensation paradoxale me fait baisser les yeux sur mon ventre, où une ombre est enroulée.

Une ombre. 

Je ne sais comment cela peut être possible, mais vu les pouvoirs de Saya et leur polyvalence, je ne cherche pas à comprendre plus loin. Je tente de m'en libérer, mais mes mains se posent sur l'ombre comme si elle n'était pas matérielle. Parce que techniquement, elle ne l'est pas. Pourtant, c'est elle qui est en train de resserrer son étau sur moi, sans que je ne puisse m'en délivrer.

The Bastard PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant