Saeem
Voilà plusieurs minutes que Haayal et Saya se disputent, dans la cour abandonnée. Je ne suis pas intervenu jusque là, mais en entendant Saya dire à ma fille adoptive de le tuer, je comprends de quoi traite la querelle.
Il a découvert le double-jeu de Haayal. Et il ne reste qu'à prier pour qu'elle trouve une solution pour lui faire croire que ce n'est qu'un malentendu. Je ne doute pas que Haayal le fera, mais une partie de moi-même craint le pire. Pour m'assurer de sa sécurité, je préfère les rejoindre. Je laisse Jun soigner ses blessures du combat avec Saya et je quitte la pièce du Piano. Sans les notifier de ma présence, je les observe derrière une colonne près d'où ils se trouvent. Haayal tient son poignard pointé vers Saya, qui tonne sèchement:
— Tu as perdu ta langue, très chère ? Vas-y, tues-moi. C'est ce qu'il t'a demandé de faire, non ?
L'expression blessée qu'affiche Haayal en entendant cette phrase raffermit mes doutes. Elle n'a pas l'air de faire seulement semblant de l'aimer. Je sais qu'elle tente de combattre ses sentiments. Je ne connais que trop bien les effets de ce combat intérieur, mais jamais je n'aurais pensé les revoir chez quelqu'un d'autre. Et encore moins chez Haayal. Elle qui est d'habitude si maîtrisée, si impassible...la voir aussi émotive me rappelle ma propre personne, vingt ans plus tôt, quand j'étais avec Adit'ya. A vouloir tout contrôler, on finit par être dépassé par ce vœu, et on perd le contrôle du contrôle lui-même. Et le hasard fait si bien les choses qu'il a fallu qu'elle tombe amoureuse de mon fils. Mon fils biologique, à qui nous sommes supposé enlever la vie pour rendre "le monde meilleur".
Je vois Haayal reprendre une expression neutre. Si je ne la connaissais pas si bien, je n'aurais pas compris qu'elle s'apprêtait à mentir. Rien ne laisse à penser qu'elle le fait. Son langage corporel et son expression faciale témoignent qu'elle dit la vérité. Mais je l'ai recueillie, je l'ai élevée. Je sais quand elle ment, et quand elle ne ment pas. Elle plonge son regard dans celui de Saya, et lui dit:
— Je devais t'espionner pour lui rapporter quand est-ce que tu prévois de reprendre Satylia...mais–
Les larmes dans les yeux de Saya se multiplient, mais elles ne coulent toujours pas. Je me demande ce qu'il a traversé pour être incapable de se laisser aller aux larmes... Il la supplie:
— Tais-toi, s'il te plaît...
— Saya–
Je le vois serrer ses poings, et son corps se tendre, avant de lui ordonner:
— Ne sors plus jamais, mon prénom de ta bouche. Même ça, dans ta bouche, ça devient un mensonge.
Haayal se met à pleurer, mais je ne pense pas qu'elle s'en soit rendue compte. Dans ce cas là, elle aurait tout fait pour le cacher. Saya est officiellement le deuxième à savoir quand Haayal ment, ou pas. Et, je comprends pourquoi. Ils se ressemblent tellement, même s'ils n'en ont pas conscience. Leurs deux cœurs se sont interdit d'aimer, pour ne pas finir blessés. Et leurs deux cœurs s'aiment malgré tout. Leurs deux cœurs se comprennent, sans qu'ils en aient conscience.
La tension est palpable, et tous les deux en souffrent. Je vais presque jusqu'à intervenir, mais je me ravise. C'est une mauvaise idée, j'en ai conscience. S'il a compris que nous ne sommes pas là pour l'aider comme nous l'avons dit, il risque de diriger sa colère sur moi, et possiblement de blesser Haayal. Il est inutile de prendre ce genre de risques.
— Saya, s'il te plaît...supplie Haayal. Je suis peut-être venue ici avec l'idée de t'espionner, mais ce n'est plus le cas. Rien...rien de tout ça n'est un mensonge. Je t'ai peut-être manipulé au début, je t'ai menti aussi, mais pas sur...tout ça...
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The Bastard Prince
FantasySaya est sur le point de devenir Roi de Satylia, quand son propre frère remet toute sa vie en question et le déclare illégitime au trône. Désormais en exil, Saya s'établit dans un royaume inconnu. Et il est bien décidé à en faire son empire pour réc...